Les multiples ornements, trilles, broderies, gruppetti et mordants d'Ornamented Zone se retirent dans la figure du masque et du pli baroque.
L'ornementation n'est ici possible que dans un contexte harmonique qui délimite, suivant l'occurrence, ce qui est ornemental et ce qui ne l'est pas. Si l'un venait à perdre tout privilège de préséance, l'autre n'aurait plus à être résolu et abandonnerait alors toute valeur expressive. Tel est peut-être le sens des intervalles premiers : l'harmonie définissant a contrario l'ornement, l'ornement confirmant la primauté de l'harmonie.
Bien plus, si le centre de l'œuvre se fait plus dense, aléa d'une multitude d'événements superflus, nulle vanité de l'écriture, mais un grave divertissement. L'ornement foisonnant se superpose à lui-même, refusant aux gestes hérités du passé la faculté de s'entendre, pour les dissoudre ou les suspendre en l'absence momentanée de toute prééminence harmonique. L'affirmation et la surabondance des divergences enfin autorisées retrouve une autre intuition baroque : plus que dans l'ascèse d'une note ou d'un intervalle inaltéré, l'art musical s'inscrit dans le raffinement d'une géométrie de situations, d'une topologie, d'un espace ou d'une zone ornementale.
L'ornement s'abîme parfois dans un glissé qui veut anéantir toute attaque, tout staccato, dans une lévitation ralentie, infléchie, au legato le plus absolu. A l'image de la frêle harmonie sur laquelle s'achève l'œuvre. Seuls les alliages de l'effectif instrumental, au caractère viennois, brahmsien, sinon fin de siècle, semblent contrarier le baroque de l'inspiration.
Laurent Feneyrou.