À l'époque de la composition de Mach 2,5, les ondes Martenot n'avaient guère droit de cité. On les regardait volontiers d'un œil soupçonneux ou condescendant, on les croyait uniquement vouées à des musiques un peu « rétro » ou aux effets sonores pour musique de film. Ces attitudes font maintenant un peu rire, d'autant que le son électronique a pris un développement considérable. Les systèmes d'écriture des années cinquante-soixante se sont volatilisés, et avec eux l'incapacité de rendre compte des nouvelles réalités sonores – l'électronique, les sons d'ordinateur, mais aussi les sons nouveaux des instruments –, réalités irréductibles à la définition classique du son par les « paramètres ».
Rétrospectivement, Mach 2,5 présente pour moi essentiellement l'intérêt d'être un premier témoignage d'une nouvelle attitude envers le son : les ondes sont considérées pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire un générateur sophistiqué de sons électroniques, et non un succédané de voix ou de saxophone ou une source d'effets sonores hollywoodiens. Mon intérêt s'est par la suite étendu à tous les instruments électroniques et aux systèmes de synthèse, au fur et à mesure de leur évolution, jusqu'aux fabuleux développements d'aujourd'hui.
Mach 2,5 a été écrit assez rapidement, après une période de recherches sur l'instrument. La musique découle ainsi très naturellement de certains caractères très particuliers des ondes, poussés jusqu'à leurs limites : phénomènes de résonance, fausses polyphonies provoquées par l'emploi de trilles ou de batteries ultrarapides. La pièce se joue d'ailleurs essentiellement au clavier, et ne comporte pas les effets mélodiques de « ruban » chers à Messiaen. L'extrême rapidité possible au clavier des ondes, jointe à l'emploi de haut-parleurs résonants, permet, bien que l'instrument soit monophonique, de créer de véritables masses sonores en mouvement, et c'est ce poudroiement de sons qui doit créer les formes de la pièce : une impression de vitesse dans l'immobilité.
Tristan Murail, éditions Lemoine.