La pièce a été composée en juin 1989 pour la violoncelliste Frances-Marie Uitti, dont la technique à deux archets permet d'obtenir sur l'instrument des accords à quatre voix longuement tenus (puisqu'elle est la seule à avoir développé cette technique, l'une des versions alternatives comprend deux violoncelles).
Le sous-titre de l'op. 31b renvoie à l'œuvre célèbre de Charles Ives : The Unanswered Question. Chez Ives, les différentes strates du matériau musical sont également séparées par la distribution spatiale des instrumentistes : la trompette soliste est sur la scène ; l'ensemble des cordes doit, si possible, jouer hors de la salle ; et les vents, s'ils sont bien situés à l'intérieur de l'espace du concert, sont toutefois placés le plus loin possible de la trompette. La « question » de la trompette est plusieurs fois réitérée, mais elle reste « sans réponse » : le matériau musical tripartite n'est jamais réuni.
Dans l'œuvre de Kurtág aussi (comme souvent, depuis 1987, dans ses compositions pour des effectifs plus vastes), l'espace joue un rôle prégnant : le(s) violoncelle(s) soliste(s) se place(nt) sur la scène, les deux violons en un point de la salle le plus lointain et le plus élevé possible ; le célesta est également éloigné, mais toutefois plus proche des violons que du (ou des) violoncelle(s).
Le matériau musical est consitué de trois séquences d'accords différentes (dans la version pour deux violoncelles : à quatre voix). L'œuvre s'ouvre par la séquence d'accords au(x) violoncelle(s) ; répétée, elle est interrompue par les violons, reprise à nouveau, interrompue encore par un accord des violons, comme un « point d'interrogation ». De fait, la suite formulera la question : la diction — au(x) violoncelle(s) et aux violons — est devenue identique (bien que le mouvement reste asynchrone et les accords différents) ; à la fin, sur le dernier des trois accords confiés au célesta, tous les instruments s'unissent en une harmonie commune. Cette réunion : la réponse.
András Wilheim.