Les Klavierstücke I à XI (Pièces pour piano) sont des études écrites sur une dizaine d'années (de 1952 à 1961), un peu à la manière d'un journal de la création musicale de leur auteur.
Les pièces I à IV constituent un premier cahier et sont directement inspirées du fameux Modes de Valeurs et d'Intensités d'Olivier Messiaen. C'est après en avoir eu la révélation, au cours d'une des sessions d'été de Darmstadt, que Stockhausen décida de venir travailler à Paris avec Olivier Messiaen. Dans Modes de Valeurs et d'Intensités, Messiaen étendait l'utilisation de la série à tous les paramètres du son (hauteur, mais aussi durée, intensité, attaques – ce qui n'avait jamais été fait auparavant). Alors que curieusement, Messiaen lui-même ne se réengagera plus dans ce sérialisme généralisé, ce professeur de génie allait déclencher toute l'aventure du mouvement post-sériel de l'après-guerre.
Les Klavierstücke I à 1V mettent donc en œuvre des séries généralisées : dans les pièces II et III, composées à Paris en 1952, chaque son est déterminé sériellement dans tous ses aspects, exactement comme dans Modes de Valeurs et d'Intensités. D'où le caractère pointilliste de cette partition. La mélodicité traditionnelle en est absente, mais remplacée par une très belle plasticité du clavier.
Dans les pièces III et IV, composées en 1953 à Cologne, ce pointillisme a déjà évolué, et les lois de la composition sérielle s'appliquent non plus seulement à des sons isolés, mais à des groupes de sons.
La quatrième pièce, la plus longue et la plus belle, se présente tout d'abord comme utilisant un piano littéralement évidé de son centre. D'écriture très aérée, elle commence dans un écartèlement des distances, qui peu à peu se resserrent.
À la fin de la pièce, le pianiste trouve enfin le registre médian de son instrument. Cette grande originalité de la pensée musicale contribue à situer Stockhausen à 25 ans comme un des grands créateurs du XXe siècle.