Depuis le début du XXe siècle, plusieurs historiens développent de nouveaux outils d’analyse de la condition humaine basés sur le principe d’accélération (du temps, du mouvement de l’Histoire). On peut voir en effet, dans l’éclosion et le développement des nouveaux systèmes de communication et de réseaux, la modification profonde des comportements humains, entraînant de nouveaux paradigmes. Le réseau mondial (internet et téléphonie mobile) couvre aujourd’hui environ 60 % des zones habitées de la planète et il n’y aura bientôt plus d’endroit où il serait impossible de se connecter, d’une manière ou d’une autre, au reste du monde. Et bien sûr, en terme d’Espace / Temps, ceci change considérablement notre quotidien et certainement la définition de notre identité.
Durant ces dernières années j’ai été ce que l’on pourrait appeler un "compositeur bien occupé" ! Voyageant beaucoup, développant des relations avec de nombreuses personnes et réseaux, dans des contextes toujours mouvants, rendant parfois la perception du temps et du réel toute relative ! Mais, dans ces mouvements, j’ai toujours essayé de garder un œil ouvert et l’autre fermé, en quelque sorte aveugle au champ extérieur, concentré sur une ligne directrice, celle de la conscience artistique… Et plus le temps et l’espace étaient déconnectés, plus j’avais recours à cette cécité volontaire afin de créer des liens entre ces situations dont l’enchaînement ultra rapide devenait improbable…
Ici commence donc une sorte de journal : images, sons et textes glanés ici et là, parfois intentionnellement parfois simple résultat du hasard. J’ai beaucoup filmé de situations sans aucun préalable autre que "je suis ici, voici ce que je vois et entends !". L’absence de signification ou de tension dramatique est ainsi souvent flagrante dans les images de ce projet ; mais il s’agit d’une représentation du monde, sans jugement, comme une simple captation de flots d’énergies.
Au final, ce projet se construit comme une sorte de déambulation aléatoire où, au demeurant, subsistent quelques éléments stables et qui construisent l’ensemble : une réflexion sur cette question des processus d’accélération, réflexion où se mélangent l’humour et des considérations plus philosophiques…
Cettre œuvre est dédiée à Anna Pétrini et Fabrice Jünger qui en sont les commanditaires et les remarquables interprètes.
Pierre Jodlowski.