« […] Quand on lui demande sa façon de travailler, Fénelon a recours à l'image du labyrinthe. La vie – admettons – est un labyrinthe que l'on aurait bien pu nous avoir évité, mais dans lequel, avec le temps, chacun apprend à circuler comme un chien qui a du flair. Avec le temps, on apprend à profiter des coins de calme qu'offrent les labyrinthes, et c'est là, dit Fénelon, dans les intervalles de sérénité, que l'on travaille le mieux. Et travailler c'est aussi se promener dans la ville. L'une de ses œuvres s'intitule Diagonal *et, même si le titre est postérieur, les randonnées sur la Diagonal ont permis l'œuvre. Peut-être que personne ne connaît mieux une ville que les étrangers qui y vivent: sûrement que personne ne connaît mieux la Diagonal que Fénelon. Une avenue qui naît dans les bouganvilliers et qui meurt, affaiblie, dans une mer de sinistre total. Vers le centre, le frottement des cordes des carrosseries: la Diagonal que nous connaissons tous. « Une fois l'œuvre terminée – dit Fénelon – je me suis rendu compte que l'œuvre était très tendue, très agitée, et avec une information énorme. Là m'est venue l'image de la Diagonal. Après la place de Las Glorias (qui est comme une césure) je me retrouvai dans des tronçons de la Diagonal que preque personne ne connaît. On trouve une maison abandonnée avec une plaque et un numéro qui paraît, là, presque dans la campagne, comme un signe étrange, mais qui correspond à la numérotation de la Diagonal. Ensuite, des usines abandonnées, des plages abandonnées et la mer. C'est cela qui m'a donné l'idée de la fin, qui n'est rien d'autre que le son très doux de l'orgue. » C'est sûrement pour des sons beaux comme celui-là que l'on a donné à l'œuvre de Fénelon le nom de nouveau lyrisme.[…] »
Ana basualdo, « Le son lyrique de la Diagonal », La Vanguardia, 1986.
* Diagonal est une très longue avenue de Barcelone
Diagonal doit son titre à une grande artère de Barcelone où Fénelon a depuis quelques années élu domicile.
Il s’agit d’une œuvre extrêmement organisée contrairement à la démarche plus libre qu’adopte habituellement le compositeur. Il ne renonce cependant pas à l’utilisation de nombreux passages aléatoires, qui s’insèrent au sein de pages rigoureusement écrites.
L’alea réside tout d’abord dans la liberté rythmique de certaines phrases musicales écrites dans le style d’une improvisation : ces phrases sont parfois jouées ne solo, comme celle de la petite flûte au début de l’œuvre ; d’autres fois, au contraire, elles se superposent et sont distribuées à différents timbres instrumentaux.
L’alea s’applique également à certains épisodes plus « massiques » dans lesquels les nuances et les mouvements sont variables, laissés au libre choix des interprètes.
Fénelon affirme lui-même qu’il désir pousser les instrumentistes au point maximum de leurs possibilités techniques, reléguant même au second de ses préoccupations le problème de leur intégration éventuelle dans l’espace qui les entoure. Ce qui lui importae avant tout, – dit-il – est le résultat sonore – ou gestuel – et non pas le moyen par lequel on y parvient : diatribe contre les pures spéculations intellectuelles à propos de l’œuvre d’art…
Il se situe lui-même dans un courant qui redonne ses lettres de noblesse à un certain lyrisme et constate que la forme de la plupart de ses œuvres adopte une courbe qui tend vers le cri, puis vers le silence qui en résulte.
Michèle Reverdy, programme de l’Opération « Zig-zag », Ircam.