« Au-delà des langages de la musique existe un désert qui offre de fausses pistes et des oasis inexistantes : la seule loi est le mouvement, pour qui sait ne pas arriver. Les pistes, par ailleurs, sont toutes fausses, il n’existe aucune piste qui ne soit fausse : qui les évite toutes indique une fausse piste à celui qui le suit. Il est nécessaire toutefois de se mettre en chemin, en se retournant sans cesse pour effacer les traces » (Franco Donatoni).
Avec Spiri (1977), pour dix instruments, Donatoni révoque une période négative marquée par le fétichisme de matériaux indifférents, préformés et empruntés. Il établit une distinction entre processus automatique et processus mécanique, qui, malgré une distanciation évidente et une liberté inventive de l’écriture, malgré la nécessité de l’accident qui rompt la fatalité du devenir, perdure dans les œuvres des années 1980 : « Ma manière d’être n’est pas dialectique, mais plutôt en alternance, en battement, en sorte que le un et le deux qui se répètent ne produisent jamais un troisième terme ».
Initialement baptisé Settimino, Chantal, commande de Radio France, est dédié à Chantal Mathieu. Inscrite dans la dernière phase des œuvres de Donatoni, la partition, achevée à Milan le 31 mai 1990, articule processus et figures fragmentés, tronqués et perforés dans une forme faite de pans successifs, où la division de l’effectif instrumental, les textures élues et contrôlables à chaque instant, engendrent les moments musicaux. Les sept instruments se regroupent, se recoupent : flûte, clarinette, violon I/violon II, alto, violoncelle/harpe ou flûte, clarinette/quatuor à cordes/harpe ou encore flûte, clarinette, violons I et II/alto, violoncelle/harpe… La combinatoire d’un quatuor essentiellement harmonique, malgré quelques imitations entre l’alto et le violoncelle et une section médiane plus linéaire, d’une flûte et d’une clarinette qui s’intègrent le plus souvent à l’illusion du quatuor, et d’une harpe aux gestes parfois historiques, aux accords percussifs et aux cascades de sons dialogués, cette combinatoire caractérise les enjeux d’une partition où triomphe l’instrumental.
Laurent Feneyrou.