La Chamber Symphony, écrite de septembre à décembre 1992, présente une ressemblance superficielle avec son illustre éponyme, l'opus 9 d'Arnold Schoenberg. Le choix des instruments est analogue à celui de Schoenberg, à cette différence près que mon œuvre comporte des voix pour synthétiseur, percussions (batterie et cymbales), trompette et trombone. Par ailleurs, contrairement à la symphonie de Schoenberg à mouvement unique, j'ai structuré la mienne en trois mouvements distincts : Mongrel Airs, Aria with Walking Bass et Road Runner.
Ces titres donnent une idée de l'ambiance générale de la musique. J'avais initialement songé à composer une œuvre pour enfants, et mon intention était de retenir un échantillonnage de voix enfantines et de les entremêler à divers instruments acoustiques et électroniques. Mais avant d'entreprendre ce projet, j'ai eu, une fois encore, l'un de ces étranges interludes intuitifs qui mènent souvent à la création d'une nouvelle œuvre. Celui-ci était du genre que Melville décrit comme « le choc de l'évidence ». Je me trouvais dans mon studio où j'étudiais la partition de la Symphonie de chambre de Schoenberg, pendant que dans une pièce voisine, mon fils Sam, âgé de sept ans, regardait des dessins animés (ceux datant des années 50, les meilleurs !) à la télévision. La bande musicale hyperactive, insistante, agressive et acrobatique des dessins animés se mêlaient dans ma tête à la musique de Schoenberg, elle-même hyperactive, acrobatique, et nettement agressive, et j'ai réalisé soudain à quel point ces deux traditions possédaient des éléments communs. (...) J'avais toujours éprouvé des difficultés à composer de la musique de chambre, avec sa réputation intrinsèquement polyphonique et démocratique. Mais la Symphonie de Schoenberg m'a fourni ici la clé de cette porte, en me suggérant une forme au sein de laquelle le poids et la masse d'œuvre symphonique pouvaient se marier à la transparence et à la mobilité de la musique de chambre. La tradition de la bande musicale des dessins animés américains m'a suggéré par ailleurs un modèle de musique tout à la fois flamboyante, virtuose et polyphonique.
John Adams, programme du festival Agora, Paris 1999.