Alors que s'approfondissaient mon amitié pour Maurizio Pollini ainsi que ma prise de conscience stupéfaite de son style pianistique, un rude vent de mort vint balayer « le sourire infini des ondes » dans ma famille et dans celle de Pollini. Cette expérience commune nous a encore rapprochés l'un de l'autre dans la tristesse du sourire infini des « sereines ondes souffertes ».
C'est également ce que signifie la dédicace « à Maurizio et Marilisa Pollini ». Dans ma demeure de l'île Giudecca de Venise, on entend continuellement sonner diverses cloches dont les sons nous parviennent, jour et nuit, à travers la brume et avec le soleil, avec des résonances différentes, des significations variées.
Ce sont des signes de vie sur la lagune, sur la mer.
Des invitations au travail, à la méditation, des avertissements.
Et la vie continue dans la nécessité subie et sereine de l'« équilibre du fond de notre être », comme dit Kafka. Pollini, piano live, s'amplifie avec Pollini, piano élaboré et composé sur bande.
Ni contraste, ni contrepoint.
Des enregistrements de Pollini effectués en studio, avant tout ses attaques de sons, sa manière extrêmement articulée de percuter les touches, divers champs d'intervalles, ont été ultérieurement composés sur bande, toujours au studio de phonologie de la RAI de Milan, avec le concours de Marino Zuccheri.
Il en résulte deux plans acoustiques qui souvent se confondent, annulant fréquemment de la sorte l'étrangeté mécanique de la bande enregistrée.
Entre ces deux plans ont été étudiés les rapports de formation du son, notamment l'utilisation des vibrations des coups de pédale, qui sont peut-être des résonances particulières « au fond de notre être ».
Ce ne sont pas des « épisodes » qui s'épuisent dans la succession, mais des « mémoires » et « présences » qui se superposent et qui, en tant que mémoires et présences, se confondent avec les « ondes sereines ».
Luigi Nono
Cette seconde œuvre de Nono où le piano tient un rôle central (cette fois sans orchestre et voix, mais également avec bande magnétique) nous paraît avoir surtout une chose en commun avec Como una ola de fuerza y luz : le point de départ en réside dans les particularités de la technique pianistique de Pollini qui sert toutefois de base, dans ce morceau terminé tout juste à temps pour sa première audition au mois de décembre 1976, à une recherche développée de manière assez différente. En fait, dans ces ... sofferte onde serene ... l'usage du piano semble avant tout dirigé sur l'analyse de son potentiel sonore, analyse qui, dans la dialectique constante entre le matériel proposé et sa décomposition interne, est accomplie en profondeur jusqu'à une analyse épuisant tout.
Programme des concerts de mars 1985 à l'Ircam.