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Dans le champ des musiques actuelles et de la chanson, coexistent deux types de supports : le disque (ou version phonographique) et le concert (ou version scénique). Si ces supports cohabitent, leur statut ontologique ainsi que leur processus de création diffèrent. Notre propos concerne les différences de création entre ces deux supports d’un point de vue musicologique mais aussi performatif. En effet, dans le cadre spécifique du passage d’un support à un autre et particulièrement donc du disque à la scène, ce processus de création prend en compte plusieurs paramètres musicaux (instrumentation, orchestration, arrangements, présence ou non de sampleurs…) mais aussi des paramètres extra-musicaux (lieux, lumières, scénographie, performance…). Je défends l’idée que le passage sur scène implique une re-création de la performance originelle (c’est-à-dire la performance en studio). Notamment car en studio, les possibilités de mixage, de montage, d’effets, d’inserts etc. sont illimitées (ou presque). Cette re-création induite comporte ou non des modifications structurelles, mélodiques, harmoniques, mais inclut de fait des modifications agissant sur le son, la performance vocale ou les improvisations. C’est dans l’optique de saisir les degrés de re-création que je propose une grille de critères afin d’évaluer les degrés de re-création d’une chanson.
Les notions abordées, l’ontologie, la performance, l’interprétation par le prisme d’une analyse musicologique et interdisciplinaire (texte, scénographie, performance studies, sociologie…) s’appuie sur des exemples d’analyses puisant dans différents styles musicaux, particulièrement le rock français (Noir Désir), la chanson française (Léo Ferré, Alain Bashung) et l’électro-dub français (Ezekiel). Les objectifs de cette présentation comparative est double : comprendre quels sont les enjeux du passage sur scène et donc des processus créatifs pour chaque artiste, mais aussi comparer les stratégies mises en jeu en fonction du style musical défendu.
La méthodologie employée s’appuie sur mes travaux de recherches défendues dans ma thèse (« Le passage sur scène, vers une re-création musicale ? L’exemple du groupe Noir Désir » soutenue en 2011). Elle s’appuie sur l’analyse musicologique, l’analyse scénique et l’analyse comparative de version phonographique avec des versions scéniques. J’entends par analyse musicologique d’une part, la prise en compte de la hauteur, du rythme, de l’harmonie et du timbre : ce que l’on pourrait désigner comme les éléments de la musicologie traditionnelle. Et, d’autre part, la prise en compte des paramètres technologiques développés par les analystes tels que Richard Middleton, Alan F.Moore, Serge Lacasse, qui tiennent compte des éléments propres aux musiques enregistrées c’est-à-dire l’espace, la dynamique, le temporalité (boucle, overdubbing), les effets etc. Les différents outils peuvent se combiner. Par exemple, une notation en grille d’accord sur un rythme ou une structure. Il est important de comprendre que dans ces musiques la question du « son » est primordial ainsi l’analyse des paramètres de mixage ne sont pas à négliger. L’analyse scénique comprend plusieurs paramètres : le positionnement des musiciens, leurs mouvements, leurs masques ainsi que les éléments extra-musicaux tels que les lumières, les fumigènes, les décors mobiles ou non, les vidéos projetées… Tout ce qui peut interagir avec les musiciens sur scène et influencer de près ou de loin leur prestation, y compris le public.
Les analyses comparatives entre supports, c’est-à-dire entre le disque et le concert (ou entre version phonographique et version scénique) ont pour principale ambition de mesurer la re-création musicale lors du passage d’un support à un autre. J’entends par re-création un objet comparable à un objet existant (l’œuvre créée) mais fabriquée différemment. C’est-à- dire qu’un objet est créé et que par un processus remettant en jeu les outils de la création, cet objet va être transformé sans pour autant s’éloigner de l’essence du morceau. Les critères étudiés sont regroupés dans un tableau que je développerai dans ma présentation.
Les résultats de l’étude sont multiples, en relation avec de nombreux facteurs. Dans le cas de Noir Désir par exemple, les morceaux les plus connus par le grand public sont les moins sujets à re-création. Parallèlement, certains morceaux peu connus du grand public mais appréciés des fans sont joués tout au long de leur carrière et sujets à re-création. Enfin, les circonstances de création du dernier album a provoqué une incidence sur la pensée de la mise en scène et en son lors des concerts, du à l’ajout d’un musicien (“sampleur”). Chez Léo Ferré, la question de l’accompagnement du chanteur est un élément primordial pour comprendre d’une part son évolution esthétique et d’autre part pour dénouer les enjeux de la création scénique de son œuvre. Pour le groupe Ezekiel, la question de la performance musicale est imbriquée dans la performance vidéo principalement ce qui implique une différence fondamentale entre ce groupe et les autres artistes cités. Principalement, car c’est un groupe qui pour certains albums a fait appel à un orchestre (Naphtaline Orchestra) dans le but de re- créer son répertoire ; qui a travaillé avec le CEA-LETI de Grenoble dans la visée de l’IRCAM (fusion art et science) pour la création de nouveaux instruments (Les mécaniques poétiques).
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