NĂ© Ă  Neustadt an der Weinstraße (RhĂ©nanie-Palatinat), Heiner Goebbels s’initie trĂšs tĂŽt Ă  la pratique instrumentale (piano, violoncelle, guitare) dans le cadre familial. En 1972, il s’installe Ă  Francfort pour y parachever ses Ă©tudes en sociologie (en 1975, avec un travail sur Hanns Eisler) et en musique (1978). Vivant dans un squat, il initie en 1976, suite Ă  sa rencontre avec le saxophoniste de free-jazz Alfred Harth, le Sogenanntes Linksradikales Blasorchester (« Fanfare soi-disant d’extrĂȘme-gauche »), ensemble de rue mĂȘlant musiciens professionnels et amateurs,  avec lequel il enregistre  deux albums. AprĂšs la dissolution de celui-ci, il continue Ă  jouer en duo avec Alfred Harth jusqu’en 1988, publiant plusieurs disques qui tĂ©moignent notamment de sa dĂ©couverte des instruments Ă©lectroniques et annoncent par moments ses compositions Ă  venir. Entre 1982 et 1992, tous deux font Ă©galement partie du groupe de rock expĂ©rimental Cassiber, aux cĂŽtĂ©s de Chris Cutler et Christoph Anders. Heiner Goebbels est l’un des rares compositeurs de sa gĂ©nĂ©ration Ă  garder un pied dans le monde des musiques improvisĂ©es et expĂ©rimentales : sa route croisera celle de Don Cherry, Fred Frith, Tom Cora, Charles Hayward, Arto Lindsay, Peter Brötzmann, Otomo Yoshihide, Xavier Garcia, Yves Robert


ParallĂšlement, Heiner Goebbels commence Ă  composer pour le thĂ©Ăątre : en 1979, il est nommĂ© directeur musical du Schauspielhaus de Francfort et signe au total une trentaine de musiques de scĂšne (pour Hans Neuenfels, Claus Peymann, Matthias Langhoff, Ruth Berghaus) ou de film. Sa rencontre avec l’écrivain Heiner MĂŒller, au milieu des annĂ©es 1980, est dĂ©terminante. C’est en effet sur des textes de MĂŒller que Goebbels signe ses premiĂšres piĂšces radiophoniques : Verkommenes Ufer (1984), , Wolokolamsker Chaussee (1989) ou SHADOW/Landscape With Argonauts(1990)rĂ©volutionnent l’art du Hörpsiel et valent Ă  leur auteur de nombreuses distinctions (Hörspielpreis der Kriegsblinden, Prix Italia, Prix Karl Sczuka
). Elles tĂ©moignent Ă  la fois d’un attachement au texte et d’un art d’agencer des Die Befreiung des PrometheusmatĂ©riaux hĂ©tĂ©rogĂšnes que le compositeur va trĂšs vite appliquer Ă  l’espace du plateau. AprĂšs des « concerts scĂ©niques » (dont Der Mann im Fahrstuhl, 1987) et un concert pour danseur (ThrĂ€nen des Vaterlands, 1986), les annĂ©es 1990 voient ainsi Goebbels mettre en scĂšne ces spectacles hybrides dont il a le secret : de Ou bien le dĂ©barquement dĂ©sastreux (1990) Ă  Stifters Dinge (2008), en passant par Schwarz auf Weiß (1996), Eraritjaritjaka (2004) ou encore l’« opĂ©ra » Landschaft mit entfernten Verwandten (2002), ceux-ci, puisant dans de multiples sources textuelles (Bertolt Brecht, Samuel Beckett, Gertrude Stein, Alain Robbe-Grillet, Edgar-Allan Poe, Joseph Conrad
) et faisant appel Ă  des musiciens d’origines trĂšs diverses, abolissent la frontiĂšre entre opĂ©ra, concert et thĂ©Ăątre en jouant de la mise en tension entre tous les Ă©lĂ©ments Ă  disposition (lumiĂšres, comĂ©diens, scĂ©nographie
). Elles se prĂȘtent Ă©galement Ă  une grande variĂ©tĂ© de dĂ©clinaisons (productions scĂ©niques, piĂšces radiophoniques, installations plastiques, etc.).

Depuis la fin des annĂ©es 1980, Heiner Goebbels compose Ă©galement des piĂšces de musique « autonome », en particulier pour l’Ensemble Modern, mais aussi l’Ensemble intercontemporain, l’Orchestre philharmonique de Berlin, le London Sinfonietta et l’Orchestra of the Age of Enlightenment
 Conçu en 1994 pour la Junge Deutsche Philharmonie, et enregistrĂ© pour le label ECM, Surrogate Cities pour grand orchestre (1994) a Ă©tĂ© nominĂ© aux Grammy Awards 2001.

Membre de l’AcadĂ©mie des Arts de Francfort et de celle de Berlin, Heiner Goebbels a enseignĂ© pendant vingt ans Ă  l’Institut d’études thĂ©Ăątrales appliquĂ©es de l’universitĂ© Justus-Liebig de Gießen, dont il est dĂ©sormais professeur honoraire. PrĂ©sident de l’AcadĂ©mie de thĂ©Ăątre de Hesse entre 2006 et 2018, il a Ă©tĂ© de 2012 Ă  2014 directeur artistique de la Triennale de la Ruhr, y produisant trois ouvrages qu’il tient pour des jalons du thĂ©Ăątre musical : Europeras de John Cage, Delusion of the Fury de Harry Partch et De Materie de Louis Andriessen. Son Ɠuvre lui a valu de trĂšs nombreuses distinctions, et a notamment fait l’objet d’une rĂ©trospective dans le cadre de la biennale Musiques en scĂšne, Ă  Lyon, en 2014.

En juin 2018, Heiner Goebbels participe Ă  l’acadĂ©mie ManiFeste de l’Ircam en engageant un vaste atelier pour de jeunes danseurs-chorĂ©graphes et musiciens improvisateurs, dans la nef du Centquatre-Paris.

© Ircam-Centre Pompidou, 2018

sources

  • Site personnel du compositeur
  • Éditions Ricordi


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