Mirela Ivičević est une compositrice et performeuse croate résidant à Vienne. Détentrice d’un master en composition de l’Académie de musique de Zagreb et d’un master en composition multimédia de l’Académie de musique et des arts du spectacle de Vienne, elle participe par ailleurs aux cours de Beat Furrer à la Kunstuniversität de Graz. Elle suit aussi des cours de composition en Autriche et aux Pays-Bas avec notamment Georges Aperghis, Georg Friedrich Haas, Julia Wolfe et Louis Andriessen. Parallèlement à ses études artistiques, elle termine un master en gestion culturelle à l’Institut für Kulturmanagement und Gender Studies (IKM) de l’Académie de musique de Vienne.
Depuis 2010, elle est, avec le saxophoniste Gordan Tudor, co-commissaire et productrice du Dani Nove Glazbe Split, sous-titré « festival de musique ultra-moderne et de formes artistiques associées » qui se tient en Croatie. En 2014, elle est co-fondatrice du Black Page Orchestra, dont le nom rend hommage à Frank Zappa. L’orchestre met en avant des compositions ayant recours à l’électronique, la vidéo ou différentes formes de technologies, une sensibilité présente dans le catalogue des œuvres de Mirela Ivičević dont plusieurs mêlent musique instrumentale à du playback et de la vidéo, comme c’est le cas de Jam Spookiku / Post nubila Phoebus (2006), Dominosa CC (2008) et Wave Mistress (2011) ou encore it bangs, it melts, it burns, it grows, it… (2016) pièce pour laquelle elle travaille avec le duo d’artistes Lightune.G sur des panneaux solaires convertissant la lumière en son « luminoacoustique ». Depuis 2014, elle est co-commissaire du festival UNSAFE & SOUNDS.
Si elle dit admirer Helmut Lachenmann pour sa capacité à créer des sons dénués de toute référence, Mirela Ivičević travaille quant à elle principalement sur les différentes perceptions des sons en fonction de leur mise en contexte, par un processus de collage de sons de natures différentes : « Ma musique est une fiction sonore, composée de tessons de réalité, enlevés à leur environnement naturel dans un monde surréaliste, dans le but d’en créer des constellations sonores et des expériences alternatives qui peuvent aider à mieux comprendre ou à transformer leur origine dans la réalité ». On peut en prendre pour exemple Orgy of references (2012) pour soprano et électronique, qui envisage la répétition ad absurdum d’un texte banal (dans ce cas, des CV), ces aspects de trivialité et de répétition similaires à la pièce GOT LOST (2007-2008) d’Helmut Lachenmann qui applique le même traitement à une courte note déplorant la perte d’un panier à linge.
L’œuvre de Mirela Ivičević développe donc une esthétique de patchwork aux structures hyperactives, recombinant déchets textuels et sonores des sociétés contemporaines, dans un usage subversif de la fonction narrative du son. Ses travaux comportent par ailleurs une part importante d’engagement politique, la compositrice invoquant l’aphorisme détourné de Dante : « Dans l’enfer, les places les plus brûlantes sont réservées à ceux qui, en période de crise morale, maintiennent leur neutralité ». Consciente du rôle systématiquement joué par la musique durant les guerres ou les dictatures, elle écrit Case Black (2016) et Case White (2018), références à l’offensive de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo en Yougoslavie où est mort son grand-père, deux pièces en l’honneur du courage fraternel face à la résurgence actuelle du fascisme qu’elle constate dans son pays.
Prix et récompenses
- Wiener Jeunesse Kammerchor prize and ISCM Austria award for music theatre (Gender)Bender 9.99 (2011) ;
- “Theodor Körner” award (Ace of Diamonds, for orchestra, 2010) ;
- “Rudolf Matz” award from the Association of Croatian Composers (2010) ;
- Rector’s Award (Phantom No 3, for symphony orchestra, 2004).