Dès sa naissance, le 8 décembre 1865 à Hämeenlinna (Tavastehus en suédois), dans ce qui était alors une province russe (le Grand-Duché de Finlande), Jean Sibelius a été confronté à la question de l’identité. Né Johan Julius Christian, ses amis le surnommaient affectueusement Janne et lui-même trouva dans un très français Jean un prénom d’artiste. Élevé, comme beaucoup de Finlandais de cette région frontalière, dans l’usage de la langue du voisin suédois, il n’a pas trois ans lorsque son père Christian Gustaf Sibelius, chirurgien militaire et médecin de la ville, meurt du typhus en 1868. Sa mère Maria Charlotta Sibelius, née Borg, est contrainte de vendre tous ses biens pour rembourser les dettes de son défunt mari. La famille trouve alors refuge chez la grand-mère maternelle.
À l’âge de 5 ans, Sibelius prend ses premières leçons de piano avec sa tante. Montrant d’évidentes prédispositions pour la musique, il reçoit de son oncle un violon pour son dixième anniversaire et compose sa première œuvre, Gouttes d’eau. Musicien amateur, cet oncle suivra de près le développement de la carrière du jeune compositeur, qui ne tarde pas à jouer dans un quatuor à cordes ou en trio avec sa sœur Linda (piano) et son frère Christian (violoncelle). En 1882, Sibelius découvre la composition dans un traité d’harmonie. D’un exercice qu’il considérait comme un jeu pour tromper l’ennui naissent un trio en trois mouvements, un menuet en fa majeur et des pièces de musique de chambre écrites dans le style classique viennois. Il compose un quatuor à cordes en mi majeur avant de quitter Hämeenlinna pour Helsinki. Sa rencontre avec Busoni le fait renoncer pour un temps au projet de devenir violoniste virtuose. Il se détourne rapidement de ses études de droit à l’Université impériale Alexandre et suit l’enseignement du violon auprès de Mitrofan Vassiliev et Hermann Csillag dans le nouvel institut de musique de Martin Wegelius (rebaptisé Académie Sibelius en 1939). À l’automne 1887, il suit des cours d’harmonie, et des cours privés de composition avec Martin Wegelius, admirateur de Wagner et de Liszt. Sa première œuvre d’importance, un quatuor en la mineur, est accueillie avec succès certain lors d’un concert public. Il fait la connaissance de Aino, la fille du compositeur Armas Järnefelt, qui deviendra son épouse.
Avec l’aide de Wegelius et de Busoni, Sibelius obtient une bourse d’étude pour se rendre à Berlin, de septembre 1889 à fin juin 1890, où il prend des cours privés avec Albert Becker, puis à Vienne d’octobre 1890 à début juin 1891, où il étudie au conservatoire auprès de Karl Goldmark et Robert Fuchs. Il sollicite une entrevue avec Brahms, qui ne répond pas, et assiste, fasciné, à une exécution de la Symphonie n° 3 de Bruckner. La découverte du Kalevala lui inspire Kullervo, créé en 1892 à Helsinki. Son intérêt pour le chant populaire finlandais le pousse à faire la connaissance de la chanteuse Larin Paraske. Juste après son mariage en 1892, il passe l’été dans la province de Carélie pour y recueillir des mélodies populaires. À partir de l’automne 1892, il enseigne la théorie et le violon au Conservatoire de musique d’Helsinki, ainsi qu’à l’École de l’Orchestre philharmonique de Robert Kajanus. Sa fille Eva naît en 1893, suivie par Ruth en 1894, l’année où il se rend au Festival de Bayreuth. D’abord subjugué par la musique de Wagner, il s’en éloigne rapidement et lui préfère l’écriture de Liszt qui lui inspirera la suite Lemminkäinen op. 22, dont une partie, « Le Cygne de Tuonela », connaît un immense succès. Le Sénat finlandais décide de lui attribuer une rente annuelle pour dix ans, en tant qu’artiste national – cette rente sera renouvelée jusqu’à sa mort.
Sa fille Kirsti, née en 1898, meurt deux ans plus tard. Avec la tournée européenne qu’il entreprend avec Kajanus et l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, la musique de Sibelius accède à une reconnaissance internationale, couronnée par un concert parisien dans le pavillon finlandais de l’Exposition universelle. Des problèmes de santé résultent alors de ses excès d’alcool. Sibelius rompt avec son éditeur finlandais en 1905 et signe avec Robert Lienau à Berlin. En novembre de la même année, il se rend en Grande-Bretagne, où il dirige sa Symphonie n° 1 et Finlandia. La rencontre avec Mahler en octobre 1907, à Helsinki, se solde par une incompréhension mutuelle. Au moment où naissent deux autres filles, Margareta en 1908, et Heidi en 1911, Sibelius doit se faire opérer d’une tumeur à la gorge qui l’immobilise durant plusieurs années et le pousse à décliner l’offre d’un poste de professeur de composition au Conservatoire impérial de musique à Vienne.
Au printemps 1914, il est invité par le compositeur Horatio Parker à New-York et Boston. Accueilli triomphalement, il est nommé docteur honoris causa à Yale et crée la version finale des Océanides à Nortfolk. Les années de guerre sont une période difficile, aggravée par la révolution russe qui débouche sur l’indépendance de la Finlande en 1917. Sibelius achève les révisions de sa Symphonie n° 5, qui sera créée en 1918. Son soixantième anniversaire est l’occasion d’une fête nationale, tandis que l’Orchestre philharmonique de New York lui passe commande d’un poème symphonique qui deviendra Tapiola. Kajanus créé sa Symphonie n° 7 en 1927. Durant la longue période de silence que Sibelius traverse jusqu’à la fin de sa vie, une Symphonie n° 8 est mise en chantier, mais demeure à l’état d’esquisses qu’il détruit systématiquement. En 1940, Goebbels décide de créer la Société Sibelius en Allemagne. Dans un message de remerciement radiodiffusé, Sibelius évoque l’Allemagne comme la terre glorieuse de la musique. Il condamne un an plus tard dans son journal la politique raciale menée par le régime hitlérien. Après la guerre, sa résidence d’Ainola devient le lieu de pèlerinage d’hôtes célèbres. Jean Sibelius s’éteint le 20 septembre 1957.