Originaire de la baie de San Francisco, Gabriella Smith se destine d’abord aux sciences du climat ou à la biologie marine. Encouragée par son professeur de piano et suite à une rencontre avec John Adams à l’école de musique privée Crowden School de Berkeley, elle crée un lien avec le compositeur à qui elle apporte à l’âge de quinze ans toutes ses partitions pour analyse et qui accepte de la rencontrer une fois par mois pour des leçons. À la même époque, elle participe en tant que volontaire pendant cinq ans à un projet de surveillance et de recherche sur les oiseaux chanteurs à Point Reyes, en Californie.
Choisissant finalement la musique, elle étudie au Curtis Institute, avant de commencer un doctorat en composition à l’Université de Princeton. Longtemps travaillée par ce qu’elle perçoit comme l’insignifiance de la musique face à un défi comme le changement climatique, elle prend le parti d’investir cet art en allié de la recherche scientifique, estimant que « nous devons faire en sorte que les solutions climatiques fassent partie intégrante de notre vie à tous1 », la musique ayant également son rôle à jouer. Les œuvres de la compositrice prennent non seulement pour ambition de connecter ses auditeurs au monde naturel, mais aussi les incite à trouver de la joie dans l’action climatique.
Plusieurs de ses pièces expriment tant le deuil, la perte et la peur auxquels nous confrontent les enjeux climatiques (Requiem (2018) dont le texte liste tous les noms latins des espèces disparues au cours du dernier siècle) que l’exaltation et l’émerveillement face aux espaces sauvages. Lost Coast, qui en constitue un exemple, s’inspire des nombreuses randonnées que la compositrice entreprend, souvent seule, dans les parcs naturels américains. C’est lors d’une de ces excursions qu’elle remarque qu’elle peut appliquer aux paysages sonores naturels « un grand nombre de méthodes d’écoute de la musique : le rythme, la forme, la texture, la couleur, le phrasé, voire un contrepoint accidentel entre différents sons2 ». Cette intuition est à l’origine de Tumblebird Contrails (2014), pièce qui sera reprise au concert du Prix Nobel en décembre 2023.
Plusieurs de ses pièces ont recours au field recording — captant les chœurs de l’aube, les arbres, les cactus, les récifs coraux — comme Panitao (2016) et Desert Ecology (2023), mais la compositrice s’intéresse également au paysage sonore subaquatique. Équipée d’un hydrophone, Gabriella Smith procède à des enregistrements sous-marins et prend à contre-pied l’idée que l’océan est un lieu de silence en captant les bruits de grognement ou de mastication des poissons et le crissement des crevettes sur les barrières de corail.
Identifiée pour ses convictions, la compositrice est soutenue par des personnalités du monde la musique qui partagent sa sensibilité, comme Esa-Pekka Salonen, directeur de l’orchestre symphonique de San Francisco, qui programme Breathing Forests (2021) pour l’édition inaugurale du California Festival en 2023. Son mentor, John Adams, l’avait déjà lui-même fait pour le concert « Nightcap » du New York Philharmonic en 2019 avec Carrot Revolution (2015). En 2023, elle participe avec Desert Ecology au concert « Treelogy », sur une commande du Younes and Soraya Nazarian Center for the Performing Arts en réponse aux feux de forêts qui ravagent progressivement la Californie.
En 2021, elle enregistre avec le violoncelliste Gabriel Cabezas, un collaborateur régulier de son travail, son premier album monographique, Lost Coast.
Prix et distinctions
- BMI Student Composer Award, 2018 ;
- Gagnante de l’American Modern Ensemble Ninth Annual Composition Competition, 2015 ;
- ASCAP Leo Kaplan Award, 2014.
- Steve Holt, « California Soundscapes: Composer Gabriella Smith », 1er mars 2023, site du San Francisco Symphony.
- Idem.