« Ce qu'est la musique des hommes, il suffit de se pencher sur sa propre nature pour le comprendre. Car qu'est-ce qui peut unir au corps l'activité incorporelle de la raison, sinon une certaine adaptation mutuelle, tels des sons graves et aigus s'unissant en une consonance unique ? Quelle autre opération peut unir les parties de l'âme elle-même et accomplir ce qui, pour Aristote, est l'union du rationnel et de l'irrationnel ? »
Boèce, cité par Jonathan Harvey dans Le Miroir de l'ambiguïté
Si la rhétorique de Jonathan Harvey récuse les principes métaphysiques d'une interaction entre musique et science, tels qu'ils s'expriment dans l'esprit médiéval de Boèce, les catégories esthétiques et spirituelles constitutives, pour le compositeur, de l'art musical témoignent d'un humanisme classique teinté d'orientalisme : Passion and Resurrection (1979), « opéra d'église », les spectres inharmoniques de Mortuos plango, vivos voco [Je pleure les morts et j'appelle les vivants (1980)], pour sons concrets traités par ordinateur, Bhakti (1982), pour ensemble et bande, la synthèse des timbres du plain-chant, du hautbois indien, du koto vietnamien, du shakuhachi japonais, de la cloche et du chant tibétains dans Ritual Melodies (1990), pour bande.
Commande du Arts Council of Great Britain, écrit pour Irvine Arditti et le Nieuw Ensemble, Scena est, d'après le compositeur, une scène «quasi opératique» pour voix et ensemble, ou pour un instrument imitant la voix et ensemble. La musique chemine à travers divers événements dramatiques — entrée des bois, lents trémolos, transformation d'une mélodie préexistante — inscrits dans la partition, qui perpétuent, sous les titres Lamentation, Evénement mystique, Evénement romantique, Rêve et Métamorphoses, un art empreint d'humanités gréco-latines.