On retrouve dans cette pièce le principe de composition qui procède par ajouts, retraits et permutations irrégulières de groupes de notes fondés sur une rythmique jouant sur le déplacement entre pair et impair. Ces fluctuances rythmiques s'apparentent à un phrasé au sens large du terme. Les séquences ainsi formées se répètent variablement à l'unisson de deux à huit fois. Cette différence dans la répétition donne au temps son élasticité à travers des effets de rebondissement et de circularité. Lorsque les séquences deviennent plus longues, le climat s'intensifie grâce à l'extension des registres et à l'entrée de nouveaux instruments (violoncelle, clarinette basse, puis les cuivres). Le parallélisme des couches sonores crée, pour l'auditeur, un état synchronique dont l'apparente unicité est contredite par l'oscillation des phrases qui se superposent et viennent se confondre dans la mémoire. L'orchestration amplifie l'espace et les fonctions de jeu. Cet enrichissement de timbres correspond à une lente prolifération du tissu sonore.
La répétition dans la musique de Phil Glass a d'autres fonctions que celle de répéter ; elle nous invite obstinément à rentrer dans la profondeur du son, et lorsque nous l'acceptons, l'univers apparemment monodique se transforme en une polyphonie de perceptions. C'est en cela que la musique de Phil Glass est aussi une pédagogie de la sensation.