Les poèmes de Beckett, Ungaretti et Rilke constituent un cycle pour voix et ensemble instrumental que j’ai débuté lors de la Session de composition Voix Nouvelles 1994, et poursuivi à la demande de l’ensemble Contrechamps et du Festival d’Automne à Paris. Il s’agit d’un hommage à la langue française, tous les poèmes étant écrits dans leur version originale en français par des écrivains non français.Le langage « visible » de ces textes se noue secrètement à un « langage-ombre », la langue maternelle du poète : il serait donc réducteur de parler de traduction, quant à cette démarche oscillante entre le français et une autre langue. Elles sont étroitement liées dans l’imaginaire du poète et se reflètent mutuellement, « le lieu du sens naissant dans l’entre-langue » (Jean-Charles Vegliante). Situation semblable à celle du compositeur qui met un texte en musique ? Attiré par les forces opposées de la musique et de la poésie, il ne peut se limiter à faire passer la parole dans le son. Il doit rassembler l’énergie contradictoire de ces deux domaines qui, chacun se faisant face, réclament leur autonomie.
J’ai attendu votre lever,
et vous baignez enfin de rouge et de bleu
ma main qui se tend.
Ciel, couleurs d’amour,
votre enfant ce matin
tient à la main la plus belle
rose rêvée.
Giuseppe Ungaretti, tiré de Trois notes [Ungaretti entre les langues, Jean-Charles Végliante, éditeur, Italiques, Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III, 1987]
Ame, pauvre âme, chair encore vorace
sous le tourment oblique…
Homme, morne univers,
tu crois élargir ton domaine
et sans cesse tes mains ne produisent
que bornes.
Giuseppe Ungaretti, tiré de Hymne à la pitié [Ungaretti entre les langues, Jean-Charles Végliante, éditeur, Italiques, Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III, 1987]
Stefano Gervasoni.