Les poèmes de Beckett, Ungaretti et Rilke constituent un cycle pour voix et ensemble instrumental que j'ai débuté lors de la Session de composition Voix Nouvelles 1994, et poursuivi à la demande de l'ensemble Contrechamps et du Festival d'Automne à Paris. Il s'agit d'un hommage à la langue française, tous les poèmes étant écrits dans leur version originale en français par des écrivains non français. Le langage « visible » de ces textes se noue secrètement à un « langage-ombre », la langue maternelle du poète : il serait donc réducteur de parler de traduction, quant à cette démarche oscillante entre le français et une autre langue. Elles sont étroitement liées dans l'imaginaire du poète et se reflètent mutuellement, « le lieu du sens naissant dans l'entre-langue » (Jean-Charles Vegliante). Situation semblable à celle du compositeur qui met un texte en musique ? Attiré par les forces opposées de la musique et de la poésie, il ne peut se limiter à faire passer la parole dans le son. Il doit rassembler l'énergie contradictoire de ces deux domaines qui, chacun se faisant face, réclament leur autonomie.
1.
imagine si ceci
un jour ceci
un beau jour
imagine
si un jour
un beau jour ceci
cessait
imagine
2.
fin fond du néant
au bout de quelle guette
l'oeil crut entrevoir
remuer faiblement
la tête le calma disant
ce ne fut que dans ta tête
Samuel Beckett, Mirlitonnades, 1976-1978.
Stefano Gervasoni.