La « catharsis » est une figure essentielle du théâtre antique, qui voulait « purifier » les passions du spectateur par le drame, illustrée dans des pièces telles qu’Œdipe Roi de Sophocle. À cet égard, cette pièce se veut l’illustration musicale d’une sorte de dramaturgie expiatoire – ou comment transporter brutalement l’auditeur, grâce à une proposition initiale qui évolue au fil de la pièce pour aboutir à un état imprévu, à une perception autre.
Pour ce faire, de multiples chemins s’offraient à moi. Une des pistes fut l’emploi d’instruments « augmentés » qui permet de jouer sur une dissociation des sources sonores – celles-ci étant soit très localisées, comme si toute l’« action » se passait devant nos yeux sur la scène, soit spatialisées dans la salle. Deux pianistes et deux percussionnistes s’affrontent ainsi devant nous, à tel point qu’on nit par confondre qui fait quoi: croisements des sources, transformations des instruments en temps réel, réinjection différée... forment peu à peu une texture multiple et orchestrale d’un matériau initialement fragmentaire. L’écriture et la forme générale de l’œuvre ont été un autre de ces chemins. Inspirée des Variations Diabelli de Beethoven, la structure de Catharsis se veut la répétition d’une micro-organisation sur plusieurs niveaux: partant d’une cellule présentée dès le début sous forme d’interventions sporadiques qui viennent ponctuer le temps électronique, celle-ci s’agrège et se développe peu à peu en un continuum plus virtuose. De là, les diverses variations sont nalement le prétexte à une évolution à plus longue échelle des paramètres musicaux (environnement harmonique, dégradation timbrique, changement de temporalité, « déformation » des instruments eux-mêmes, les pianos devenant percussion tandis que les membranophones s’harmonisent, altération du tempérament des deux pianos et les claviers (marimba, vibraphone, glockenspiel et xylophone), jusqu’à supprimer tout bonnement toute notion de hauteur...).
Didier Rotella
Note de programme du concert du 29 juin 2018 au Centre Pompidou, dans le cadre du festival ManiFeste.