J'éprouve régulièrement le besoin d'écrire des œuvres ludiques, caractérisées par un discours musical hétéroclite et discontinu. Souvent composées en quelques jours, ces pièces sont des divertissements propices à l'expérimentation, dans lesquelles je laisse agir mon inspiration de façon intuitive, sans tenter de la canaliser très strictement. L'intégration d'éléments issus de répertoires populaires à mon langage musical « naturel » est alors un moyen de créer la diversité, d'accentuer l'atmosphère extravertie de l'œuvre, de bâtir une dramaturgie jouant sur la référence. Après Jazz connotation qui reprenait la structure d'un standard et qui renvoyait à l'improvisation, après le Grand jeu qui unissait des sons de synthèse granulaire et des « patterns » rythmiques issus du funk, D'un rêve parti tire son matériau musical de la techno (comme l'indique le jeu de mots contenu dans le titre). Pourtant, la référence est explicite uniquement dans la seconde moitié de la pièce. Tout le début de l'œuvre met en place les conditions d'une coda inspirée par les synthétiseurs des années 70, si prisés par les disc jockeys d'aujourd'hui. En commençant sur une superposition rythmique complexe, irrationnelle, la pièce crée un déséquilibre qui trouvera sa résolution dans les emprunts à la techno (pulsation régulière, imitation des boîtes à rythmes par des modes de jeu spécifiques...). Ainsi l'intrusion d'une « musique connotée » dans le discours dépasse-t-elle le simple aspect anecdotique la référence joue alors un rôle formel : elle est une conséquence de la proposition musicale initiale, et non un matériau étranger à mon style.
D'un rêve parti est dédié à Jean-Luc Menet.
Bruno Mantovani, éditions Lemoine.