Écrite quatre ans seulement après la Sonate pour violon seul, cette Sonate pour alto s'inscrit dans un moment crucial du parcours créateur de Zimmermann : le compositeur réduit la forme à un seul mouvement, crée une nouvelle virtuosité – moins « extérieure » – et se tourne résolument vers l'esprit sériel. Zimmermann considérait la Sonate pour alto comme l'une de ses œuvres de musique de chambre les « plus complexes techniquement », il précisait aussi qu'il ne fallait pas interpréter son titre en regard de la forme sonate classique.
L'œuvre est d'ailleurs présentée dans la préface de la partition comme une sorte de prélude de choral, car, de même que dans le Concerto pour trompette et orchestre Nobody knows the trouble I see (1954), le propos est ici à la fusion : la technique sérielle intègre un thème de choral (Loué sois-tu, Jésus-Christ) avec en outre un procédé d'imitation hérité de Pachelbel. L'œuvre s'oriente complètement dans son déroulement vers ce choral qui est cité peu avant la fin et auquel il est fait discrètement allusion auparavant. La substance musicale se conjugue aussi à une volonté d'expression, à « tout ce que véhicule le cœur de l'homme ». Zimmermann a composé cette Sonate pour sa fille Barbara, morte peu après sa naissance en cette année 1955, et inscrit en tête de la partition une dédicace qui rappelle fortement celle du Concerto pour violon « À la mémoire d'un ange » de Berg. Ces indices, associés au fait que le compositeur accordait une grande importance à l'interprétation (méditative) du texte du choral (qu'il a reproduit dans la partition), confirment bien l'idée de Wulf Konold selon laquelle nous avons affaire dans cette œuvre à de la « musique spirituelle instrumentale ».
Pierre Michel, programme « Allemagne 1946 », février 1996, Cité de la Musique, Ensemble Intercontemporain.