Tristan Murail (1947)

Couleur de Mer (1969)

for fifteen instruments

  • General information
    • Composition date: 1969
    • Duration: 13 mn
    • Publisher: Ed. Musicales Transatlantiques
    • Commission: Maison de la Culture du Havre
Detailed formation
  • flute, oboe, clarinet, horn, trumpet, trombone, 2 percussionists, harp, piano, electric organ, violin, viola, cello, double bass

Premiere information

  • Date: 13 May 1969
    Location:

    France, Le Havre


    Performers:

    l'ensemble Musique vivante, direction : Diego Masson.

Program note

Couleur de mer est ma première pièce à avoir été jouée dans un « vrai » concert. J’étais dans ma deuxième année de Conservatoire avec Olivier Messiaen. La tendance était aux techniques post-sérielles, que Messiaen lui-même qualifiait d’« avancées » – et donc recommandables. Non sans quelque opportunisme, Couleur de mer récupère les éléments stylistiques de cette époque (échelle de douze sons, brisures, certains abus des percussions…), mais les recycle et les subvertit à d’autres fins. L’organisation de la pièce ne doit rien à l’académisme contrapuntique hérité des Viennois. Il s’agit ici de formes plastiques, de contours, d’images, d’espaces. Les semblants de contrepoint ne sont en fait que des textures, des nuages sonores dans lesquels sont découpées les lignes instrumentales.

Rétrospectivement, je vois surtout dans cette pièce une recherche de la couleur, des alliages de timbre, un début de recherche sur les « processus ». Les douze sons sont groupés, plus empiriquement que d’après quelque théorie, de manière à produire des harmonies typées. La cinquième partie s’échappe en fait très nettement du modèle post-sériel, et construit des agrégats transparents qui annoncent les futures harmonies spectrales.

Couleur de mer porte en exergue une citation d’un poème de mon père :

…l’espace reproduit dans le pollen des lampes
et pourrissant l’azur aux vitres
je le contiens en ma pensée couleur de mer…

La mer dont il s’agit est une mer symbole de vie, de lointain, d’évasion – c’est aussi la mer telle que je la voyais au Havre : mer profonde et sauvage, mais en même temps estuaire bouillonnant d’industries humaines.

Les cinq parties de la pièce sont enchaînées, à l’exception de la troisième. Celle-ci se détache aussi par son style, réminiscence de la « grande époque » sérielle. Mais les apparents contrepoints mélodiques et rythmiques ne tardent pas à se fondre en textures, gestes ou objets sonores qui existent pour eux-mêmes.

C’est le reflet des contradictions de la pièce, écrite en un style qui ne convenait pas à ses idées musicales et poétiques. J’essayai plus tard de renouveler l’expérience, mais sans succès : il me fallut trouver d’autres moyens d’expression.

Tristan Murail.