L'image du surfing m'est venue de l'alternance, de la succession de lignes longues et courtes, plus ou moins longues et plus ou moins courtes, un peu comme si après avoir glissé sur la vague on rebondissait par ricochet. Dans cette pièce, le ricochet est une technique de jeu que j'ai beaucoup utilisée, surtout pour le soliste. On pourrait imaginer que les sons longs sont les vagues et les sons courts les rebondissements. À partir de cette image assez simple du surfing, j'ai imaginé une musique où tout pourrait se passer à l'envers, où les ricochets pourraient venir avant la vague, où des centaines de personnes feraient du surf parfois toutes sur la même vague, parfois chacune sur une vague différente, créant ainsi une polyphonie visuelle, qui se traduit dans la musique par des moments pouvant être presque homophones ou hétérophones à des degrés différents.
Au niveau de l'interprétation, Surfing est une œuvre très difficile à jouer ; elle a un aspect sportif presque, dans la mesure où, pour pouvoir l'exécuter, le soliste a besoin de concentrer une énergie extraordinaire pendant toute la durée de la pièce. Ce côté performant est dû à la nécessité de pouvoir s'adapter sans arrêt et passer sans cesse du staccatissimo au legato absolu, du jeu sautillé au jeu à la corde. De plus, j'ai voulu donner l'illusion que le soliste se démultiplie et que, si l'on en revient à l'image du surfing, son rapport avec les autres l'amène à produire non pas seize mais une multitude de surfistes, presque à l'infini, grâce à ce rapport complexe qu'il crée entre lui et le groupe, qui fait qu'on pourrait parler d'un chœur de surfistes.
Philippe Boesmans.