general information

composition date
1981-1984
revisition date
1982, 1984
duration
45min
editor
Universal Edition, Tesin
Dedicatee
à Alfred Schlee, pour son 80e anniversaire
Commission
Südwestrundfunk (SWR)

type

Concertant music (4 or more soloists and ensemble/orchestra)

detailed formation

Soloist
vibraphone, glockenspiel, harp, piano, cymbalom

2 flutes, 2 oboes, 3 clarinets, 2 bassoons, 2 horns, 2 trumpets, 2 trombones, tuba, 3 violins, 2 violas, 2 cellos, double bass

information about the creation

date
October 18, 1981
Allemagne, Donaueschingen, Baarsporthalle, Donaueschinger Musiktage
interpreters

Vincent Bauer, Daniel Ciampolini : percussions, Michel Cerutti : cymbalum, Pierre-Laurent Aimard, Alain Neveux : pianos, Marie-Claire Jamet : harpe, Ensemble intercontemporain, direction : Pierre Boulez.


date
September 6, 1982
Royaume-Uni, Londres, Royal Horticultural Society, BBC Proms (première version élargie).
interpreters

Vincent Bauer, Daniel Ciampolini : percussions, Michel Cerutti : cymbalum, Pierre-Laurent Aimard, Alain Neveux : pianos, Marie-Claire Jamet : harpe, Ensemble intercontemporain, direction : Pierre Boulez.


date
September 22, 1984
Italie, Turin, gymnase de la Caserne Cernaeia (deuxième version).
interpreters

Vincent Bauer, Daniel Ciampolini : percussions, Michel Cerutti : cymbalum, Pierre-Laurent Aimard, Alain Neveux : pianos, Marie-Claire Jamet : harpe, Ensemble intercontemporain, direction : Pierre Boulez.

Information on the electronics

Studio information
Ircam et Studio expérimental Heinrich-Strobel de la Radio de Baden-Baden
RIM (réalisateur(s) en informatique musicale)
Andrew Gerzso
Electronic device
temps réel, sons fixés sur support

technical documentation and patch

Répons

Manifeste 2021

Sidney Version

Program note

Répons est à bien des égards l’œuvre maîtresse de Pierre Boulez. Celle vers laquelle convergent toutes les pistes explorées au cours des quatre décennies précédentes : articulation des écritures instrumentale et électroacoustique en temps réel (déjà esquissée dans ...explosante-fixe... en 1971 notamment), éclatement de la configuration spatiale du concert (déjà dans Rituel in memoriam Bruno Maderna en 1974), sans parler de ses recherches formelles. Celle, aussi, où il récolte les fruits de ce qu’il a lui-même semé – à commencer par les institutions qu’il a fondées : l’Ircam et l’Ensemble intercontemporain, qui sont indéfectiblement liés à la genèse de l’œuvre. Dans un entretien accordé au musicologue Philippe Albéra en 1986, le compositeur dira du reste : « Je n’aurais jamais pu écrire Répons si je n’avais pas créé ces organismes, car il n’en existe aucun équivalent ailleurs… ». Paradoxalement, un peu plus loin dans ce même entretien, il nous laisse à penser que l’une de ses motivations secrètes à créer ces organismes fut justement d’écrire Répons ! C’est enfin une œuvre majuscule quant au temps qu’il a fallu au compositeur pour l’écrire et l’achever : de nombreuses années à remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier, passant d’environ quinze minutes à trois quarts d’heure de musique, et approfondissant toujours plus la partie électronique.

Tout part du rêve qu’a Boulez de réinventer la disposition dans la salle de concert – un rêve dont ce passionné d’architecture caresse également le versant bâti, en imaginant des salles modulaires et configurables à volonté. Dans son esprit, cette réinvention doit se faire selon toutes les déclinaisons possibles : rapport de l’auditeur aux interprètes et à la musique, bien sûr, mais aussi, au sein du discours musical, relation de l’individu au collectif, dialogue du soliste (ou plutôt des solistes) avec le chœur (incarné ici par l’ensemble instrumental placé au cœur du dispositif). Autant d’aspects auxquels les connotations religieuses du titre font référence – quand bien même l’œuvre est parfaitement profane.
Car Répons revisite l’héritage d’une musique liturgique qui remonte aux grandes pièces polychorales de la Renaissance, certaines composées spécifiquement pour de fameuses architectures tels les cori spezzatti [chœurs séparés] de San Marco de Venise. Seulement, en lieu et place de l’acoustique réverbérante des édifices religieux, Boulez substitue les traitements électroacoustiques en temps réel – provoquant des réponses en cascades : des solistes à l’ensemble, et des solistes à leurs doubles transformés par l’ordinateur, comme des miroirs se faisant face.
Les six solistes (deux pianos – dont un qui peut jouer de l’orgue électrique), une harpe, un cymbalum et deux percussions jouant l’un du vibraphone, l’autre du glockenspiel et du xylophone) et les haut-parleurs constituent comme un enclos acoustique autour du public – à l’image des hautes parois des basiliques et cathédrales –, le public lui-même entourant l’ensemble instrumental et le chef.
Cette disposition spatiale – ainsi que celle, inhabituelle et très précise, des 24 instrumentistes de l’ensemble – participe pleinement du geste compositionnel. Par exemple, l’éloignement des solistes oblige le compositeur à les libérer du tempo strict donné par le chef, mais cette liberté agogique et la superposition des métriques des solistes et de l’ensemble lui ouvrent en même temps un large horizon d’effets sonores. Cependant, le principal effet recherché via cette savante géographie musicale est la possibilité de faire voyager les sons – que ce soit au moyen des haut-parleurs, ou en faisant circuler les formules musicales
d’un instrument à l’autre. Raison pour laquelle l’enregistrement stéréo ne sera jamais qu’un piètre pis-aller à l’écoute de cette œuvre. Ces trajectoires n’ont rien d’évident, leur tracé est délibérément brouillé par le compositeur qui puise en l’espèce une large inspiration de deux de ses passions : l’architecture, là encore, et notamment l’école Bauhaus, et l’œuvre de Paul Klee. S’agissant des trajectoires emmêlées dans la spatialisation de l’électronique, Pierre Boulez avait coutume d’évoquer l’image de « Klee et son chien » : « Imaginez un promeneur avec son chien en laisse qui suivra grosso modo la trajectoire générale », explique Andrew Gerzso, qui fut à l’Ircam le bras droit de Boulez pour la composition électroacoustique de Répons. « Nous n’avons pas un tracé géométrique immédiatement identifiable, mais une figure qui va se dégager de ces multiples traits. Boulez souhaitait que celui qui écoute soit convaincu d’une règle à l’œuvre, mais ne voulait pas donner trop facilement la clef de cette règle. »

Au-delà du rôle d’acoustique artificielle dévolu à l’informatique musicale, Pierre Boulez compose avec Répons le premier monument de la musique électroacoustique en temps réel, où le geste instrumental rencontre le monde électronique dans une relation symbiotique. Parmi les effets imaginés pour la pièce, on peut citer le « wallpaper », ou papier peint mural, en l’occurrence l’électronique projetée par six haut-parleurs. « Le papier peint n’est pas destiné à être regardé directement mais il est pourtant bien présent, explique Andrew Gerzso dans un entretien accordé à Frank Madlener. Quand l’un des solistes joue, on entend le son de drone en proportion directe avec le jeu de l’instrumentiste. C’est donc son ombre électronique. Il existe aussi un passage frappant avec un curieux effet de “gyrophare”. Au lieu que le son soit capté, transformé et le résultat spatialisé (ce qui se passe la plupart du temps), la machine va “écouter” à tour de rôle les solistes (harpe, vibraphone, cymbalum, etc.), pour les transformer successivement. À un autre moment, la machine pourra produire 2, 3, ou 4 délais, selon un choix de l’algorithme. »
Notons au passage que l’informatique musicale en était alors à ses balbutiements et que la démarche suivie par Pierre Boulez et Andrew Gerzso fut parfois assez empirique. Répons constituera ainsi pour les années à suivre un riche creuset d’idées qui n’auront pas pu être concrétisées, mais qui seront développées, lorsque la technologie le permettra. Cela signifie que les effets explorés ont parfois pu dicter la nature du matériau musical. Ainsi, parmi les premières hypothèses de travail pour le traitement en temps réel, les sons percussifs ont été privilégiés pour la précision du traitement électronique – cet univers percussif domine encore fortement certains passages de l’œuvre parmi les plus mémorables (la section « balinaise » notamment). Ce caractère percussif se manifeste d’ailleurs dans un des éléments thématiques qui irriguent toute la pièce (et ce dès l’introduction) : une série de doubles croches régulières qui signalent très clairement des ruptures dans le discours – dans un premier temps, ce sont principalement des changements de blocs harmoniques, puis la différenciation se fait aussi rythmique. La formule prend ainsi peu à peu un sens différent selon le contexte, tout en restant parfaitement reconnaissable et compréhensible en tant qu’articulation du discours.

Le fait est que Répons constitue aussi une œuvre fleuve : pas moins de 45 minutes de musique. Le matériau musical utilisé, ainsi que les dynamiques des relations entre les solistes, l’ensemble et l’électronique, permettent toutefois de dégager onze sections s’enchaînant sans interruption.

  1. Introduction pour orchestre seul. Rapide, énergique et contrastée, elle expose d’emblée un certain nombre de matériaux thématiques qui seront utilisés au cours de la pièce. Une forme de dualité s’exprime déjà dans l’écriture, entre des motifs rythmiques très agités (double croches répétées ou formules rapides faits de multiples sauts d’intervalle) et de longues tenues (parfois en trilles) – dualité qui n’est pas sans rappeler l’ouverture du Magnificat de Bach, autre référence majeure de la musique religieuse.
  2. Entrée des solistes et de l’électronique. Lent et très puissant. Dans un geste hautement théâtral, les six solistes font irruption sur la scène musicale. Leurs six accords arpégés coupent la parole de l’orchestre, aussitôt repris par la machine grâce à un procédé de délai et de transformation. Le principe de l’arpégiation d’un accord étant de dérouler les notes dudit accord dans le temps, l’ordinateur « arpège » à son tour les arpèges des solistes. Ce geste est reproduit plusieurs fois, et déployé plus encore. Entre les solistes et les sons transformés, c’est donc l’arpège d’un arpège d’un arpège.
  3. Assez rapide. Reprenant des éléments des deux sections précédentes, c’est le premier passage vraiment antiphonique. Entre les solistes et l’ensemble, une opposition se fait jour, non seulement spatiale – les solistes sont spatialisés tandis que le son de l’ensemble est fixé au centre – mais aussi de caractère. Côté orchestre, ce sera celui de cette presque mélodie qu’il introduit en tout début de section, et de laquelle se dégage une fugace impression de swing. Quant aux groupes des solistes, il s’imposera par des répliques cinglantes, puissamment reprises et transformées par l’électronique.
  4. Rapide – Énergique. Le rapport de force s’inverse : l’orchestre est lancé à pleine vitesse dans une sorte de vertigineux mouvement perpétuel ponctué de quelques arpèges hiératiques et réverbérés des solistes.
  5. Lent et régulier. La course de l’orchestre s’épuise dans une strette longue et nerveuse, jusqu’à se figer dans une stase quasi transparente. Suivent de longues nappes sonores semées de petits groupes de notes ornementales à intervalles irréguliers – que l’orchestre reprend comme en écho… Dans les conversations entre Pierre Boulez et Andrew Gerzso, cette section est baptisée « Section Scriabine » en référence à la thématique principalement basée sur un arpège se terminant par un trille, telle qu’on peut l’entendre dans la Sonate pour piano n°9 du compositeur russe. À chaque nouveau trille, une nouvelle couche sonore se superpose aux précédentes, créant une texture toujours plus dense.
  6. Très long. Sotto voce, furtive et très agitée, c’est une véritable fuite en avant sur un tapis de trémolos de cordes. Interrompues par trois courtes interventions de bois, la fièvre rythmique de cette section annonce surtout le déchaînement de la suivante…
  7. Rapide. Sans doute le climax de l’œuvre. Le sentiment est celui d’une spirale sonore sans fin. Cette section est surnommée « Section balinaise » par Boulez et Gerzso, en référence aux percussions des gamelans balinais. Ici, Boulez met à profit la non-synchronicité des solistes : s’ils doivent tous jouer au même tempo, leur éloignement spatial les empêche d’être parfaitement ensemble (la partition précise du reste : « indépendamment du chef, non synchrone »). Démultiplié par la spatialisation électronique, cela génère un effet stroboscopique et diffractant d’une sensualité rare.
  8. Rapide. Cette section est en miroir de la section 4. Dans un délitement progressif du matériau, la figure du trille s’impose graduellement.
  9. Très libre. Le « répons » à son paroxysme : les interventions, revisitant pour la plupart un matériau déjà exposé, se succèdent très rapidement d’un bout à l’autre de l’ensemble et des solistes, dans des tempi souvent indépendants les uns des autres. Peu à peu, les différents groupes d’instruments semblent toutefois trouver un terrain d’entente, jusqu’à dégager une forme d’homophonie.
  10. Modéré. Avant de conclure, Répons nous emmène dans un univers très différent de celui auquel il nous a habitués jusque-là. Un univers poétique, fluide, quasi aqueux. Sur un ton assez retenu, l’impression est celle d’un poisson évoluant gracieusement entre deux eaux – ou d’un albatros planant au ras des vagues déchaînées, changeant parfois de direction, d’un coup d’aile, sans prévenir, puis poursuivant paisiblement son vol.
  11. Coda. Lent, régulier de pulsation. Miroir de l’entrée des solistes, la Coda exploite le même principe des arpèges des solistes, arpégés par la machine, puis distribués dans l’espace. Tels des lambeaux de souvenirs sonores, ces échos infinis s’estompent, s’effacent, pour se perdre dans les croisées d’ogive informatiques…

Jérémie Szpirglas



Note de programme du concert du 6 janvier 2025 à la Philharmonie de Paris © Cité de la musique-Philharmonie de Paris

recordings

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Répons

Composed by Pierre Boulez , concert on July 12, 1988

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Répons - 2éme execution

Composed by Pierre Boulez , concert on September 5, 2009

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Répons - extrait / binaural

Composed by Pierre Boulez , concert on September 16, 2016

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Répons

Composed by Pierre Boulez , concert on September 14, 1999

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Répons - extrait / stéréo

Composed by Pierre Boulez , concert on September 16, 2016

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Répons

Composed by Pierre Boulez , concert on February 19, 1995

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Répons - 1ere execution

Composed by Pierre Boulez , concert on September 5, 2009

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