2 flutes, 2 oboes, 3 clarinets, 2 bassoons, 2 horns, 2 trumpets, 2 trombones, tuba, 3 violins, 2 violas, 2 cellos, double bass
Vincent Bauer, Daniel Ciampolini : percussions, Michel Cerutti : cymbalum, Pierre-Laurent Aimard, Alain Neveux : pianos, Marie-Claire Jamet : harpe, Ensemble intercontemporain, direction : Pierre Boulez.
Vincent Bauer, Daniel Ciampolini : percussions, Michel Cerutti : cymbalum, Pierre-Laurent Aimard, Alain Neveux : pianos, Marie-Claire Jamet : harpe, Ensemble intercontemporain, direction : Pierre Boulez.
Vincent Bauer, Daniel Ciampolini : percussions, Michel Cerutti : cymbalum, Pierre-Laurent Aimard, Alain Neveux : pianos, Marie-Claire Jamet : harpe, Ensemble intercontemporain, direction : Pierre Boulez.
Manifeste 2021
Répons est à bien des égards l’œuvre maîtresse de Pierre Boulez. Celle vers laquelle convergent toutes les pistes explorées au cours des quatre décennies précédentes : articulation des écritures instrumentale et électroacoustique en temps réel (déjà esquissée dans ...explosante-fixe... en 1971 notamment), éclatement de la configuration spatiale du concert (déjà dans Rituel in memoriam Bruno Maderna en 1974), sans parler de ses recherches formelles. Celle, aussi, où il récolte les fruits de ce qu’il a lui-même semé – à commencer par les institutions qu’il a fondées : l’Ircam et l’Ensemble intercontemporain, qui sont indéfectiblement liés à la genèse de l’œuvre. Dans un entretien accordé au musicologue Philippe Albéra en 1986, le compositeur dira du reste : « Je n’aurais jamais pu écrire Répons si je n’avais pas créé ces organismes, car il n’en existe aucun équivalent ailleurs… ». Paradoxalement, un peu plus loin dans ce même entretien, il nous laisse à penser que l’une de ses motivations secrètes à créer ces organismes fut justement d’écrire Répons ! C’est enfin une œuvre majuscule quant au temps qu’il a fallu au compositeur pour l’écrire et l’achever : de nombreuses années à remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier, passant d’environ quinze minutes à trois quarts d’heure de musique, et approfondissant toujours plus la partie électronique.
Tout part du rêve qu’a Boulez de réinventer la disposition dans la salle de concert – un rêve dont ce passionné d’architecture caresse également le versant bâti, en imaginant des salles modulaires et configurables à volonté. Dans son esprit, cette réinvention doit se faire selon toutes les déclinaisons possibles : rapport de l’auditeur aux interprètes et à la musique, bien sûr, mais aussi, au sein du discours musical, relation de l’individu au collectif, dialogue du soliste (ou plutôt des solistes) avec le chœur (incarné ici par l’ensemble instrumental placé au cœur du dispositif). Autant d’aspects auxquels les connotations religieuses du titre font référence – quand bien même l’œuvre est parfaitement profane.
Car Répons revisite l’héritage d’une musique liturgique qui remonte aux grandes pièces polychorales de la Renaissance, certaines composées spécifiquement pour de fameuses architectures tels les cori spezzatti [chœurs séparés] de San Marco de Venise. Seulement, en lieu et place de l’acoustique réverbérante des édifices religieux, Boulez substitue les traitements électroacoustiques en temps réel – provoquant des réponses en cascades : des solistes à l’ensemble, et des solistes à leurs doubles transformés par l’ordinateur, comme des miroirs se faisant face.
Les six solistes (deux pianos – dont un qui peut jouer de l’orgue électrique), une harpe, un cymbalum et deux percussions jouant l’un du vibraphone, l’autre du glockenspiel et du xylophone) et les haut-parleurs constituent comme un enclos acoustique autour du public – à l’image des hautes parois des basiliques et cathédrales –, le public lui-même entourant l’ensemble instrumental et le chef.
Cette disposition spatiale – ainsi que celle, inhabituelle et très précise, des 24 instrumentistes de l’ensemble – participe pleinement du geste compositionnel. Par exemple, l’éloignement des solistes oblige le compositeur à les libérer du tempo strict donné par le chef, mais cette liberté agogique et la superposition des métriques des solistes et de l’ensemble lui ouvrent en même temps un large horizon d’effets sonores. Cependant, le principal effet recherché via cette savante géographie musicale est la possibilité de faire voyager les sons – que ce soit au moyen des haut-parleurs, ou en faisant circuler les formules musicales
d’un instrument à l’autre. Raison pour laquelle l’enregistrement stéréo ne sera jamais qu’un piètre pis-aller à l’écoute de cette œuvre. Ces trajectoires n’ont rien d’évident, leur tracé est délibérément brouillé par le compositeur qui puise en l’espèce une large inspiration de deux de ses passions : l’architecture, là encore, et notamment l’école Bauhaus, et l’œuvre de Paul Klee. S’agissant des trajectoires emmêlées dans la spatialisation de l’électronique, Pierre Boulez avait coutume d’évoquer l’image de « Klee et son chien » : « Imaginez un promeneur avec son chien en laisse qui suivra grosso modo la trajectoire générale », explique Andrew Gerzso, qui fut à l’Ircam le bras droit de Boulez pour la composition électroacoustique de Répons. « Nous n’avons pas un tracé géométrique immédiatement identifiable, mais une figure qui va se dégager de ces multiples traits. Boulez souhaitait que celui qui écoute soit convaincu d’une règle à l’œuvre, mais ne voulait pas donner trop facilement la clef de cette règle. »
Au-delà du rôle d’acoustique artificielle dévolu à l’informatique musicale, Pierre Boulez compose avec Répons le premier monument de la musique électroacoustique en temps réel, où le geste instrumental rencontre le monde électronique dans une relation symbiotique. Parmi les effets imaginés pour la pièce, on peut citer le « wallpaper », ou papier peint mural, en l’occurrence l’électronique projetée par six haut-parleurs. « Le papier peint n’est pas destiné à être regardé directement mais il est pourtant bien présent, explique Andrew Gerzso dans un entretien accordé à Frank Madlener. Quand l’un des solistes joue, on entend le son de drone en proportion directe avec le jeu de l’instrumentiste. C’est donc son ombre électronique. Il existe aussi un passage frappant avec un curieux effet de “gyrophare”. Au lieu que le son soit capté, transformé et le résultat spatialisé (ce qui se passe la plupart du temps), la machine va “écouter” à tour de rôle les solistes (harpe, vibraphone, cymbalum, etc.), pour les transformer successivement. À un autre moment, la machine pourra produire 2, 3, ou 4 délais, selon un choix de l’algorithme. »
Notons au passage que l’informatique musicale en était alors à ses balbutiements et que la démarche suivie par Pierre Boulez et Andrew Gerzso fut parfois assez empirique. Répons constituera ainsi pour les années à suivre un riche creuset d’idées qui n’auront pas pu être concrétisées, mais qui seront développées, lorsque la technologie le permettra. Cela signifie que les effets explorés ont parfois pu dicter la nature du matériau musical. Ainsi, parmi les premières hypothèses de travail pour le traitement en temps réel, les sons percussifs ont été privilégiés pour la précision du traitement électronique – cet univers percussif domine encore fortement certains passages de l’œuvre parmi les plus mémorables (la section « balinaise » notamment). Ce caractère percussif se manifeste d’ailleurs dans un des éléments thématiques qui irriguent toute la pièce (et ce dès l’introduction) : une série de doubles croches régulières qui signalent très clairement des ruptures dans le discours – dans un premier temps, ce sont principalement des changements de blocs harmoniques, puis la différenciation se fait aussi rythmique. La formule prend ainsi peu à peu un sens différent selon le contexte, tout en restant parfaitement reconnaissable et compréhensible en tant qu’articulation du discours.
Le fait est que Répons constitue aussi une œuvre fleuve : pas moins de 45 minutes de musique. Le matériau musical utilisé, ainsi que les dynamiques des relations entre les solistes, l’ensemble et l’électronique, permettent toutefois de dégager onze sections s’enchaînant sans interruption.
Jérémie Szpirglas
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Composed by Pierre Boulez , concert on September 16, 2016
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Composed by Pierre Boulez , concert on September 16, 2016
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