C'est une œuvre pour piano dont l'humeur change constamment, suggérant ainsi les errements de la pensée et des sentiments qui traversent l'esprit en état de veille. L'évocation du calme de la nuit, qui sert d'introduction et qui réapparaît épisodiquement, est brusquement interrompue par des salves successives de petites phrases musicales qui disparaissent aussi soudainement. Ce premier épisode est suivi de plusieurs autres au cours desquels les humeurs successives, autant que les longueurs des séquences sont très contrastées, faisant alterner les « irruptions intempestives » et les développements sereins. L'œuvre culmine sur un accord qui est répété fortissimo et de manière obsessionnelle et qui, en mourant peu à peu, amène l'œuvre à sa conclusion. Dans cette composition, j'ai voulu saisir le caractère versatile et fantasque de l'imagination à une heure où elle n'est pas sollicitée par des intentions ou des désirs précis. J'ai voulu accéder à cet état poétique et morose que, dans un contexte romantique antérieur, j'avais tant apprécié dans des œuvres de Schumann telles que Kreisleriana, Camaval ou les Davidsbündlertänze. L'œuvre est dédiée aux quatre pianistes qui, ensemble, me l'ont commandée : Paul Jacobs, Gilbert Kalish, Ursula Oppens et Charles Rosen.
Elliott Carter.