Muji no kyo a été écrit en 1975 et créé la même année à Donaueschingen. Sans doute, la pièce n'est pas pensable sans l'impression profonde que m'a faite l'ancienne culture japonaise lors de mon premier voyage au Japon. L'intellectualisme de l'Europe, la technologie, la pression et le bruit de la vie quotidienne : tout cela m'a semblé contestable comme jamais auparavant.
La pièce est écrite sur un texte japonais du Moyen Age, caractérisé par la simplicité et le silence.
La musique suit la forme du texte. On reconnaît clairement la division en deux strophes ; les images des différents vers se perçoivent aisément. Chaque vers est présenté par le chanteur et les trois solistes instrumentistes d'une façon particulière (Boulez l'a qualifiée de calligraphique) ; suit un passage en tutti qui conduit à travers tout l'orchestre et ses timbres un court motif avec presque la souplesse d'une improvisation. Ainsi, naît un dualisme (certainement parfaitement non-oriental) entre « l'écriture et l'image », comme les deux faces d'une pièce de monnaie. On retrouve tout naturellement dans ces tutti imagés quelque chose comme une peinture par les sons, une Klangmalerei, quoiqu'avec de nouveaux moyens. En revanche, la partie vocale, en Sprechgesang, évite quant à elle toute expressivité et suit exclusivement la structure phonétique du Muji no Kyo, le Chant de l'écriture vide.