En 1991, pour célébrer l'année Mozart, la BBC fit à Louis Andriessen et à Peter Greenaway la commande d'un film avec musique, pour leur série Not Mozart. Le prétexte de cette œuvre était Mozart mais Andriessen était surtout déterminé à créer une nouvelle œuvre pour le vingtième anniversaire de l'ensemble De Volharding et voulait écrire quelques chansons pour la chanteuse de jazz Astrid Seriese.
Pour leur collaboration, Greenaway et Andriessen se mirent finalement d'accord sur une forme symétrique : quatre chansons entremêlées de trois interludes instrumentaux.
Dans le film de Greenaway, un homme est créé par un procédé alchimique, puis perfectionné. « Ayant façonné un homme, il était nécessaire de lui apprendre le mouvement (donc de) lui apprendre à faire de la musique (…) il était alors nécessaire d'inventer Mozart. » Toutes les caractéristiques propres à Greenaway sont là : mysticisme, rituels secrets, combinaisons formelles et délires orgiastiques.
Andriessen a dit de Greenaway : « ce que j'aime dans cette œuvre est ce que j'aime dans la musique : cette combinaison d'agression, d'étrangeté et d'extrême formalisme. »
L'instrumentation de De Volharding comprend des saxophones et des cuivres, un piano et une contrebasse : la musique acquiert ainsi un caractère âpre, mordant. La partition d'Andriessen fait une référence explicite à la Création du Monde de Darius Milhaud et à l'atmosphère cabaret de Kurt Weill aussi bien qu'aux big bands et au boogie-woogie… et bien sûr à Mozart, par exemple dans le premier interlude où Andriessen transforme des thèmes de sonates pour piano de Mozart (K310 et K545).
Le texte de The Alphabet Song fut écrit par Louis Andriessen et Jeroen van der Linden à la manière de Greenaway, et les chansons suivantes furent écrites par Peter Greenaway lui-même. Dans celles-ci, il se réfère à trois personnages : l'anatomiste du XVIe siècle Andreas Vesalius, l'écrivain polonais Bruno Schulz et enfin le réalisateur soviétique Serge Eisenstein.
Steve Martland et Nick Breckenfield, traduit de l'anglais par Jérémie Favreau, programme Agora 2000.