L’idée de cette pièce m’est venue en lisant les ouvrages de Samuel Beckett. Parole définie sous l’angle de l’absurde, du moins pour ce qui est du théâtre ; parole marquée aussi par une méfiance profonde de l’analyse et un regard désabusé sur le monde, les hommes et la finitude.
Tentative de prolongement de cette parole, cette musique se construit autour d’un dialogue permanent entre le saxophone et l’environnement sonore qui l’entoure. Rien ici ne se développe vraiment et pourtant, en y regardant de près les matériaux compositionnels sont très économes, presque obsessionnels. On avance dans un espace chargé de références ponctuelles (apparitions de sons concrets évocateurs de possibles didascalies), et qui passe son temps à suggérer plus qu’à conduire.
Dialogue permanent donc, où la prise de parole tient du conflit autant que de la connivence. Très incarnée (organique), la bande son devient vite une sorte de personnage avec lequel il faut compter ! Il y a des rapports de force, des moments de bagarre ou de tendresse, de l’humour, souvent noir, des fantômes radiophoniques passé au vitriol, de la joie que nous dirait un jazz "très free" et de la tension produite par le spectre parfois très distordu de l’instrument.
Tout ici peut sembler improbable, un enchevêtrement de situations qui glissent les unes dans les autres, des énergies qui avortent et ne signifient rien, des états complexes et de grands vides, comme ce qui est souvent à l’œuvre dans nos songes...
Pierre Jodlowski.