Kreuzspiel a été composé en 1951. La création lors des cours d'été de Darmstadt en 1952 a fait scandale. Influencé par Mode de valeurs et d'intensités de Messiaen et Sonate pour deux pianos de Goeyvaerts, Kreuzspiel est parmi les premières œuvres de la musique pointilliste. L'idée d'un croisement (Kreuzung) des processus temporels et spatiaux est réalisée en trois phases : dans la première phase (2'40'') le piano commence dans les registres extrêmes et introduit progressivement, en utilisant des croisements, six sons du registre aigu et six sons du grave.
Les quatre octaves médianes où jouent le hautbois et la clarinette basse se remplissent progressivement de nouveaux sons et au moment de la distribution égale de tous les sons sur toute l'étendue verticale, toutes les séries des durées et des intensités se trouvent croisées de façon que les séries apériodiques du début de la pièce deviennent une série périodique qui augmente régulièrement d'intensité (accelerando et crescendo) ; ceci est marqué par le timbre du woodblock. Tout ce développement est inversé ensuite, donné en renversement de façon qu'à la fin de la première phase tous les sons sont de nouveau donnés dans la partie du piano dans les registres extrêmes. Mais à cause du croisement les six sons de l'aigu apparaissent dans le grave et inversement. Les tamtams suivent en rythme et intensité les cheminements contraires dans le croisement, avec la tendance d'aller de plus long et de plus bas, vers plus court et plus fort (et l'inverse) dans le cadre de la série. Si des sons et des bruits se retrouvent en unisson et ceci arrive assez souvent alors le développement formel conforme au plan initial est modifie : un son trouve un autre registre, ou bien sort de la série en obtenant une autre durée ou intensité.
Dans la deuxième phase (3'15'') tout le processus décrit ci-dessus se reproduit de l'intérieur vers l'extérieur : la musique commence dans le registre medium avec le hautbois et la clarinette basse, atteint les registres extrêmes (piano) et retourne en arrière ; les tambours sont remplacés par des timbales : la pulsation régulière des unités minimales qui déterminait le tempo de la première phase disparaît ici.
Dans la troisième phase (4') sont reliés les deux procédés.
Karlheinz Stockhausen, programme du Festival d'Automne à Paris, 1980.