Commençant dans une extrême précision qui régit tous les paramètres musicaux, l'immense Klavierstück VI évolue de plus en plus vers l'imprécision, en faisant appel aux valeurs rythmiques irrationnelles. Stockhausen élabore ainsi une totalité musicale régie statistiquement, tout en explorant conjointement, de façon systématique et magistrale, le jeu des échos, des harmoniques, des effets de pédale et de sourdine. Le silence devient un facteur structurel à part entière, le temps se trouvant lui-même déterminé par la résonance des sonorités. L'auditeur doit s'orienter vers une perception globale de groupes de notes, de hauteurs qui ne sont plus destinées à être perçues isolément mais tels des nuages sonores complexes faisant partie intégrante d'une dispersion spatiale du matériau.Développant une pensée harmonique et polyphonique extrêmement originale, le Klavierstück VI s'inscrit dans la descendance de Brahms, Liszt, Messiaen, aussi bien qu'il annonce les futures mises en question du compositeur lui-même.
d'après Patrick Szersnovicz.