Ritorno était écrit pour Paul Sacher et son orchestre, et Sacher voulait que la partie soliste soit jouée par Rostropovitch. C'est pour cela que j'ai donné ce titre de Snovidenia. Ce « rêve », ce sont les chants révolutionnaires russes. J'ai toujours eu une attitude très idéaliste envers la révolution russe. Ce qui n'est certainement pas le cas de Rostropovitch. Alors, j'ai intégré, comme un exorcisme, des chants révolutionnaires russes.
Ritorno est avant tout un hommage à un rêve trahi par l'histoire, par les hommes, par le stalinisme. La trahison peut-elle se traduire sur le plan musical ? Je ne crois pas. Même si dans mon inconscient ces idées peuvent jouer un rôle important, cela ne se passe pas à un niveau musical précis. Le matériau joue avant tout un rôle musical. Le fait que je l'ai choisi et pas un autre, veut sûrement dire quelque chose. Mais c'est à l'auditeur de le dire. Ces cellules de chansons, qui ne sont jamais utilisées en entier, provoquent des résonances dans l'orchestre. Les cellules génèrent leurs propres harmonies par le fait que certaines notes sont prolongées. Un programme règle l'harmonie. C'est ainsi que les fragments de chants sont à la fois des éléments mélodiques et des éléments qui produisent une épaisseur harmonique évidente et très perceptible. La variabilité de fonction de ces petits noyaux mélodiques qui ne sont pas traités comme des choses, comme des éléments mélodiques en soi, fait que l'on sait qu'ils sont là, mais sous une forme cachée, méconnaissable. On ne les perçoit pas. La transcription permet aussi la mise en relation dialectique avec une tradition culturelle différente. Non pas pour la conserver, mais pour en extraire des espoirs. Une transcription qui cherche à réaliser l'autre visage d'une vérité.
Luciano Berio.