Les Présages furent composés en 1958, soit un an avant les célèbres Quatre pièces sur une seule note, pour orchestre de chambre. Sans procéder à une réduction aussi drastique dans leur matériau musical, les Présages laissent toutefois entrevoir ce que sera la poétique à venir de Scelsi : « entrer dans le son ».
Le nombre des hauteurs est volontiers limité et celles-ci sont en quelque sorte articulées « de l'intérieur », par l'usage de micro-intervalles (ici, les quarts de ton), mais aussi par un travail sur le grain du son : pour filer la métaphore photographique, l'agrandissement du son va le plus souvent de pair avec sa granulation. Ainsi, comme le précise Scelsi pour le troisième et dernier mouvement de la pièce, « les notes répétées doivent être subordonnées aux notes tenues, comme une vibration de celles-ci ».
Le vibrato plus ou moins ample, les trémolos, les trilles, les notes rebattues, le souffle : autant de moyens pour faire trembler le son, ce tremblé pouvant aller de la délicate irisation aux sonorités telluriques du mouvement final, qui, comme dans Yamaon (1954), sous-titré « Yamaon annonce au peuple la conquête et la destruction de la ville d'Ur », ou Uaxuctum (1966), « Légende de la destruction de la cité maya », prophétise et illustre l'effondrement d'une cité imaginaire.
Peter Szendy.