Fragments d'un silence assiégeant le son, limites de questions que Hölderlin adresse à Diotima, dont il attend qu'elle ne le juge pas et retienne le souffle, suspende l'état irrationnel des réponses aux questions en éclats, et l'attente oppressante, de plus en plus. La discontinuité du discours de la folie (de la folie du discours… ?) comme gageure de création musicale, mais avec des moyens de la littérature, où l'espace entre groupes de mots ne sonne pas, Nono a organisé un réseau de quarante-huit citations, qu'il baptise « clins d'œil », d'après des poèmes de Hölderlin, qui lui sert de trame émotionnelle. Chaque citation dispose d'un mode d'écriture, rarement contrapuntique, le plus souvent dans une dynamique restreinte, au sceau d'un silence qui parfois semble hurleur en comparaison de la musique ; qui nous fait violence ; arrache à notre écoute l'intention de réponses, leur substance inarticulée, aux interrogations du poète. Nono, le latin de culture nordique, s'est-il fait un bon interprète de Hölderlin, le Germain aux amours méditerranéennes ? Dans la folie, essence refluante, le pouvoir dissous du mot. Et la raison, contrôle extrême, guidant notre perception vers les zones d'active folie, où le signe même n'a plus cours qu'en tant que substitut : ici, la partition entière est contrariée par un foisonnement d'arrêts, de points d'orgue, de glissements incessants des tempi ; les valeurs notées ne se correspondent plus ; enfin, contrariée par ce silence si méthodiquement réparti à travers l'œuvre qu'il semble œuvre en filigrane, double statique des fluctuations permanentes de la pulsation sonore, son double extrême et idéal, en marche vers l'expression. Le matériau reste semblable à lui-même ; mêmes intervalles, cellules rythmiques facilement identifiables, registres fixes. Quelque chose croît dans et par cette musique, mais aussi la génère tout en restant non-dit, peut-être non-dicible. De quelle sorte de chef-d'œuvre s'agit-il ?
Frédérick Martin.
Frédéric Martin.