Il y a deux motivations esthétiques et politiques pour la composition de cette œuvre: les migrants, et l’aliénation du sujet contemporain par la technologie.
La couverture de survie, source sonore et instrument musical, permet de créer une image fragile. Un miroir de soi « en migrant », une musique enveloppante, une chorégraphie faite de tremblements. La transformation du son des couvertures de survie crée une évolution musicale qui part des frémissements pour arriver progressivement à des masses sonores enveloppantes qui rappellent l’eau, la catastrophe et l’urgence.
Un tableau ambigu : s’agit-il de se mettre à la place du migrant ? Ou bien de se rendre compte que nous sommes déjà en train d’entamer notre propre abandon en tant que civilisation? L’homme au bord de la catastrophe reste impuissant, en transe devant la machine. Plus aucun contact entre humains, le seul lien qui reste : la température et le contrôle qu’ils subissent. Un groupe d’aliénés qui bougent en suivant les indications de leurs ordinateurs, transpirant sous leurs couvertures.
Outre les sons, il y a le jeu des images qu’arrive au climax de l’oeuvre. Des survivants tremblent. Leurs visages surveillés, filmés, sont reprojetés soudainement dans un flux vertigineux derrière eux. Ceci évoque la surcharge d’images dans notre monde contemporain, où l’on filme tout, où la temporalité est constamment manipulée, enregistrée, reproduite, et partagée jusqu’à devenir virale. Une mise en scène du côté obscène de l’image.
Daniel Zea, site internet du compositeur.