« J’ai dû ouvrir l’ecchymose et laisser couler un peu de sang pour leur montrer » (« and let some of the bruise blood come out to show them ») : c’est à partir de cette phrase prononcée par Daniel Hamm lors de son procès, en mars 1965, que Steve Reich élabore sa pièce pour bande magnétique. Le jeune Afro-Américain de dix-neuf ans, injustement accusé de meurtre (il sera finalement acquitté), avait raconté son passage à tabac par les policiers de Harlem. Afin d’être emmené à l’hôpital, il s’était volontairement blessé la jambe.
Reich retient les mots « Come out », répétés en boucle sur deux pistes. Les magnétophones ne tournant pas exactement à la même vitesse, ils se décalent progressivement et créent l’illusion d’une réverbération. Le déphasage se poursuit et se transforme en canon, que le compositeur dédouble pour obtenir un canon à quatre voix, puis à huit. Les propos de Daniel Hamm sont à la fois déréalisés et intensifiés par le procédé du déphasage qui offre une caisse de résonance inédite à l’expression politique.
Hélène Cao, note de programme du concert du festival Présences de Radio France du 9 février 2024 au Studio 104 de Radio France.