Enregistrement © Ircam - Anaëlle Marsollier

• • Marc-Antoine Charpentier aurait composé six Te Deum, dont seulement quatre nous sont parvenus. Le plus célèbre est certainement le H.146 – qui se présente sous les atours majestueux d’un « grand motet». Le H. 148 est moins ambitieux dans les moyens mis en œuvre : un chœur mixte, dont se détachent les solistes, et un accompagnement instrumental réduit au strict continuo, à la manière d’un « petit motet». Ce dispositif lui permet sans doute une plus grande recherche dans les textures chorales (qui témoignent de l’intérêt de Charpentier pour les chefs-d’œuvre italiens antiphoniques ou polychoraux) et des jeux variés d’écritures contrapuntiques (en mariant deux fois deux voix, ou toutes les voix suivant des lignes indépendantes…).
    L’œuvre s’ouvre et se referme sur un do majeur conquérant. Dans un texte rédigé à l’attention du Duc de Chartres, qui fut son élève, Charpentier établit ses «Règles de composition » et dresse au passage un «tableau de «l’Énergie des modes». Ainsi l’Ut majeur, dans lequel est composé ce Te Deum, correspond-il aux èthos suivants: «Gai & guerrier». Des émotions pas complètement déplacées pour le genre.

Janus

Janus réunit le Centre de musique baroque de Versailles et l’Ircam : une rencontre inédite entre le présent et le siècle classique, entre la création avec électronique et la musique vocale du XVIIe siècle. Le renouveau prodigieux du baroque dans les années 1960 correspond à l’essor de la musique contemporaine, avec l’émergence d’ensembles musicaux hors des systèmes philharmoniques. Le foisonnement des formes musicales aux XVIIe et XVIIIe siècles ne peut se comparer qu’aux bouleversements vécus par le XXe. Autant de raisons fondatrices pour Janus. Les contraintes de l’écriture pour une maîtrise vocale ont été intégrées par Ariadna Alsina Tarrés. Celle-ci trouve sa source d’inspiration dans les Lachrymae de Pierre Perrin, utilisé par Jean-Baptiste Lully, le traitement du signal venant éroder le son. Pour parachever l’effet « Janus », ce présent du passé, l’acoustique de Versailles a été modélisée, pour transformer, le temps d’une soirée, l’Espace de projection en Chapelle royale.