Hèctor Parra Esteve (1976)

Inscape (2017 -2018)

pour ensemble de seize solistes, orchestre et électronique

œuvre électronique, Ircam

  • Informations générales
    • Date de composition : 2017 - 2018
    • Durée : 30 mn
    • Éditeur : Durand
    • Commande : Ircam-Centre Pompidou, Ensemble intercontemporain, Orchestre national de Lille, Orchestre Symphonique de Barcelone et National de Catalogne, Orchestre du Gürzenich de Cologne
Effectif détaillé
  • solistes : flûte, hautbois, clarinette [en si bémol] (aussi clarinette basse), basson, 2 trompettes, 2 trombones, 2 percussionnistes, 2 violons, alto, violoncelle
  • 2 flûtes, flûte piccolo, 2 hautbois, cor anglais, 2 clarinettes, clarinette basse, 2 bassons, contrebasson, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba, timbales, 3 percussionnistes, harpe, 16 violons, 14 violons II, 12 altos, violoncelle, 8 contrebasses

Information sur la création

  • Date : 19 mai 2018
    Lieu :

    Espagne, Barcelone, Auditori


    Interprètes :

    l’Ensemble intercontemporain, l’Orquestra simfònica de Barcelona i Nacional de Catalunya et l’Ircam (Thomas Goepfer), sous la direction de Kazushi Ono.

Information sur l'électronique
Information sur le studio : Ircam
RIM (réalisateur(s) en informatique musicale) : Thomas Goepfer

Observations

Œuvre réalisée en collaboration avec l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet.

Note de programme

Inscape, pour ensemble, orchestre symphonique et électronique en temps réel développera un voyage psychoacoustique aux limites du monde connu pour plonger virtuellement dans un univers qui est bien au-delà de notre expérience sensorielle. Ainsi, nous allons entreprendre un voyage utopique à travers un trou noir géant tel que nous décrit le physicien Jean-Pierre Luminet, spécialiste mondial en trous noirs et physique relativiste, et avec qui nous collaborons activement dans ce projet.

Tout commence donc, une fois les yeux fermés, dans un monde sonore fait de petits bits de son, presque vocaux, où les chuchotements du public, les sons instrumentaux et le propre espace physique forment un ensemble cohérent et organique. Un espace-temps plat où le développe- ment de la vie et de la conscience est possible. Mais peu à peu, la puissance croissante de l’orchestre et des solistes instrumentaux, activée par une électronique progressivement de plus en plus développée, nous propulse à des zones de très forte énergie, qui déforment la perception de l’espace-temps musical, transformant la fragilité du début en énergie rugueuse et déformée. Alors il est temps de plonger dans l’horizon des événements du trou noir acoustique en rotation. On est traversé par 

des puissantes ondes gravitationnelles, ici faites littéralement de sons électroniques. Son spectre et sa densité changeante bat au rythme de la compression spectrale et de la spatialisation qui transforme la per- ception de l’espace physique de la salle, qui se dilate et se rétracte de manière cyclique tout en suivant le rythme de ces ondes. Mais tout en survivant à cette expérience extrême, nous sommes conduits finalement à un nouvel univers, à travers le trou de ver annulaire que nous traversons sans être endommagés par la gravité incroyablement puissante ici.

Comment sera ce nouveau paradis que nous ne pouvons explorer, à ce jour, qu’avec une musique qui est en train de s’écrire? Serions-nous nous-mêmes, comme l’ont suggéré quelques physiciens actuels, la projection holographique d’une réalité plus profonde qui est codée dans les confins de l’univers? Serons-nous seulement l’ombre des chuchotements que nous avons entendu au début de la pièce?

Hèctor Parra

L’astre qui fut lumière est devenu obscur, silencieux, insondable. Trou noir, entonnoir des enfers froids. Une fois franchi son horizon, c’est la chute sans fin vers un centre sans fond. Mêlés, intervertis, le temps et l’espace se percutent en se resserrant. L’état premier du monde se vaporise en grains élémentaires entrelacés. Que deviennent la matière, l’énergie, les ondes qui tombent? y a-t-il un fond, un point final de chute, singularité écrasante ? Or il ne peut y avoir de fin absolue. Un jaillissement inépuisable, voilà le seul fruit possible. Au fond du trou noir s’ouvre alors un tunnel, raccourci débouchant ailleurs dans notre univers, ou même dans d’autres univers. Quand toute borne s’évanouit dans les deux sens, il n’est plus de remède au vertige. De nouveaux univers mûrissent, succulents et pleins. Un big bang n’est autre qu’un moment où se produit le renversement. Dès lors la métamorphose des mondes est plus rapide qu’on ne pense. Au sortir de la matrice quantique, les bébés univers sont doués de formes inimaginables. L’ignorant les croit plates, la nature épaissit ses rondeurs. Et de plus en plus largement l’espace s’étend, en expansion, toujours en expansion, au-delà, encore et à jamais au-delà. Le ciel, débordant d’énergie sombre, devient effrayant de transparence.

Jean-Pierre Luminet, astrophysicien

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