Trinacria est le nom que Virgile emploie pour nommer la Sicile, terre aux trois promontoires qui s’avancent dans la mer, les monts Pachino, Peloro et Lilibeo de la terre insulaire aux trois pointes. La Trinacria (ou aussi Triquetra) est à la même époque représentée par une étrange et fascinante image de gorgone à trois jambes, figure que l’on voit sur certaines monnaies de l’antiquité et qui reste le symbole officiel de la Sicile.
Pour ce trio appelé Trinacria, commandé par Musique Nouvelle en Liberté et écrit à la demande de Michaël Lévinas, je décidai une formation plutôt atypique et peu coutumière du répertoire, une nomenclature composée du trombone, de l’alto et de la guitare.
Ce choix rassemble trois instruments provenant de familles sonores bien distinctes ; le tube en cuivre dans lequel on souffle, la corde dont on entretient la vibration par l’archet et la corde que l’on pince étant des objets sonores à priori hétérogènes par leur disparité de timbre et de dynamique.
L’enjeu musical de cette formation en trio me tenta immédiatement, comme l’opportunité de subordonner ces trois éléments distincts à un même corps sonore, de les entendre dans une pensée de musique chambriste et de les lier dans le discours musical par l’écriture.
J’ai donc commencé la pièce en travaillant sur des « études » du comportement sonore des trois instruments au travers du prisme de trois procédés formels définis, entendus comme des réminiscences altérées ou détournées de trois formes musicales anciennes.
Trinacria est de par son nom, triangulaire et donc tripartite. Chaque partie peut être jouée isolément car aucun matériau structurel ne la relie aux deux autres parties. Mais je préfère les entendre enchaînées les unes aux autres, car, à l’image de la gorgone sicilienne, ces trois pièces sont reliées entre elles par un même temps musical, par la même tentative d’écriture, une écriture qui se raconte en train d’advenir.
Florence Baschet.