Tempi concertati utilise quatre groupes d'instruments placés à distance dans la salle lors de l'exécution. Ces quatre sous-ensembles instrumentaux à l'intérieur de l'orchestre sont essentiellement disparates et ne correspondent pas aux similarités des timbres dans les groupes instrumentaux de l'orchestre classique (bois, cuivres, percussions, cordes). En revanche, Berio cherche à établir des analogies timbrales entre les instruments appartenant traditionnellement aux familles instrumentales différentes. Pour souligner la dimension spatiale dans l'émission sonore, le compositeur suggère le maximum de distance entre les groupes similaires I et IV, II et III - la distribution circulaire autour du public est préférable - et la position centrale du flûtiste qui synchronise les composantes de l'énoncé.
Concertati, parce que la sélection entre le tempo individuel (celui du soliste et surtout de la flûte) et le tempo collectif (des quatre petits groupes instrumentaux) n'est pas toujours donnée : ils doivent parfois être convenus et coordonnés individuellement par les exécutants sur la base d'un répertoire de signes (soit la mesure et les gestes appropriés, soit des éléments pris dans la structure musicale), qui suppose de la part de chaque exécutant une attention soutenue à l'action des autres...L'oscillation entre les temps et les actions individuels et collectifs, entre actions déterminées et actions relativement indéterminées, entre signes envoyés et signes reçus, «perdus» et «retrouvés», peut conférer à la composition une allure d'improvisation discontinue...
La segmentation formelle de l'oeuvre dans son ensemble est liée à la distribution des timbres instrumentaux et à l'utilisation des procédés de variabilité :
Exposition I - Cadence I - Exposition II - Cadence II - Coda
Deux cadences à distance des 4 instruments solistes : flûte, violon, deux pianos, forment un arc organisateur, mis en relief par les développements orchestraux denses.Une première partie oppose le solo de la flûte à la texture tutti, tout à fait déterminée et notée en notation rythmique conventionnelle. La partie orchestrale centrale «exposition II» produit des amalgames de timbres qui visent un résultat global ou des superpositions de groupes de timbres dont les relations simultanées deviennent de plus en plus fluctuantes à travers la variabilité. La notation proportionnelle qui définit les relations approximatives des événements sonores dans le temps se transforme en notation variable qui confie aux instrumentistes la succession précise des sons, la vitesse d'articulation, le nombre des formules répétées dans un laps de temps relativement déterminé (d'après la notation proportionnelle), mais aussi le choix des instruments de percussions. La dernière partie orchestrale joue le rôle de coda et, conformément aux principes de sommation résultante, reprend les procédés de variabilité connus de la partie centrale, ainsi que la texture soliste des cadences.
L'allure quasi improvisée de Tempi concertati résulte de la confrontation de textures instrumentales différentes et de la communication accrue entre les musiciens lors du jeu qui inscrit le hasard dirigé. La pièce comporte la polarisation des instruments de chaque groupe autour de leur «leader» (piano, violon, cuivres), la référence permanente à la partie centralisatrice – celle de la flûte – l'individualisation des parties solistes superposées, mais aussi l'unification de l'ensemble en vue d'un effet sonore global. Le compositeur recommande de jouer sans chef, bien que sa présence se révèle nécessaire pour préparer l'exécution. Le flûtiste et, par moments, les autres solistes assument la responsabilité de synchronisation et de coordination de l'ensemble.
Klaus Stichweh et Peter Eötvös.