Un regard mélancolique par le drame de Marco-Polo et surtout une méditation par un état d'être, l'état du chercheur incompris ; c'est tout cela que ce Prologue pour un Marco-Polo.
« Un prologue à ce mystérieux Marco Polo parle plus de l'intériorité de Polo que de ses voyages. Trois niveaux de langage sont utilisés : le français littéraire, une langue qui parle plus de Polo qu'elle ne le fait parler et aussi une langue qui, par l’écriture musicale, nous guide vers une autre langue : la langue inventée et cette langue est surtout celle de l'incomprehension générale à laquelle se buta le pauvre Marco… enfin un troisieme niveau : une discussion des deux protagonistes de l'œuvre, le compositeur et l'auteur, sorte de réflexion en temps sur un être hors-temps. Par là s'établit aussi une brisure dans le flot musical, brisure d'un état de grâce de la musique et prise de conscience du monde réel, non pas à cause du discours des deux auteurs, mais bien à cause du ton de la conversation, avec ses hésitations et son aspect humain. Quant à l'œuvre musicale, il s'agit d'une lente évolution, d'un moment monodique à un moment intervalisé, ensuite harmonisé, lequel ajoute des spectres harmoniques à la structure intervalisée elle aussi éclairée de spectres harmoniques. »
L'œuvre est en huit parties :
- Découverte du mot Zipangu qui, au temps de Marco Polo, signifiait Japon ;
- Grand choral et discours du Sage qui a un peu compris Marco Polo mais qui aussi s'en moque ;
- Appel de Zipangu. Tristesse, une terre aperçue mais pas atteinte ;
- Grand choral qui, d'un état anarchique, revient à une homophonic parfaite, le tout conduisant au solo du Magicien ; la structure s'est à nouveau défaite. Cette section culmine dans un demier appel de Zipangu ;
- Solo de la solitude de Marco Polo, précédé d'une introduction presque barbare. Solo superposé à la supplique amoureuse des quatre voix ; lentement la musique embroussaille Ie tout et devient l'état de grâce des visionnaires solitaires ;
- Vision claire et vertigineuse des ténèbres de la mort, de l'effacement de l’être ;
- Marco Polo aujourd'hui, une conversation, mais surtout des fruits : il n'est pas mort.
- Le testament de Marco Polo, un long solo toujours plus haut, la voie(x) de Dieu devenant presque la voie(x) de la folie.
Claude Vivier.