Dédié à Gérard Caussé, Prologue pour alto et résonateurs, composé d'avril à juillet 1976, est le début d'un cycle de pièces, Espaces acoustiques, qui va de l'alto seul au grand orchestre en passant par diverses formations de musique de chambre : Périodes pour sept musiciens, Partiels pour dix-huit musiciens, Modulations pour trente-trois musiciens et Transitoires pour quatre-vingt quatre musiciens.
Lorsqu'on enchaîne Périodes à Prologue, on doit jouer la version pour alto seul, la version pour alto, résonateurs et électronique en direct est réservée pour une exécution isolée.
Essentiellement mélodique, Prologue se détache lentement et progressivement de la pesanteur et de l'hypnose de la répétition. Une cellule mélodique unique jouant sur les hauteurs d'un spectre d'harmoniques sert d'axe et de point de repère à une sorte de spirale. Tout provient de cette cellule, tout y retourne, mais jamais exactement au même niveau. La mélodie est ici travaillée dans son essence même, dans sa Gestalt, dans sa silhouette mais jamais au niveau de la note, car les hauteurs qui la composent vont s'éloigner peu à peu du spectre originel pour atteindre le bruit en passant par différents degrés d'inharmonicité.
Cette silhouette mélodique gère également la grande forme, les tempi et l'apparition de deux types d'insert : le battement de cœur (brève-longue) et l'écho. Non tempéré, Prologue pose d'énormes problèmes d'interprétation (il est déjà si difficile de jouer juste sur un alto !).
À ce rêve mélodique, s'ajoute cette réponse de l'inerte, cette vibration par sympathie des différents instruments qui entourent l'alto et qui jouent exactement le même rôle passif que les cordes sympathiques du sitar ou de la sarangui, à cette différence près que ces instruments couvrent ici un champ acoustique beaucoup plus large et qu'ils peuvent, grâce aux moyens électroniques, être modulés.
Voix seule, réponse phantomatique d'instruments inhabités mais aussi structure abstraite et sans concession, j'espère être parvenu ici à balbutier ce que je crois être la musique : une dialectique entre le délire et la forme.
Gérard Grisey.