Piranhas est un vidéo-opéra où le public est immergé dans le son et dans l’image, entouré de musiciens qui jouent et d’écrans visuels couvrant les murs de l’espace : les images sont projetées sur les quatre murs de la salle, les musiciens sont au centre, le public est assis autour des musiciens et chacun des quatre saxophoniste placés à un angle du lieu.
En tant que compositeur, je voudrais que ce concert d’images soit une réelle expérience de perception, plongeant le spectateur-auditeur dans un espace à la fois sonore et visuel. L’idée de considérer le son — qu’il soit instrumental, vocal ou électroacoustique — comme non seulement un alliage sonore à forger mais aussi une matière sonore à projeter dans l’espace est au centre de ma recherche : composer le temps, composer l’espace, un espace sonore de lumière et d’images.
Les images défilant sur les écrans suivent un piranha, poisson des eaux douces d’Amazonie célèbre par la férocité de ses dents acérées, en train de se nourir d’un mot : liberté. Derrière lui, au fond de l’eau, défilent d’autres images, celles-là réelles et virtuelles, comme miroir de notre contemporanéïté.
Florence Baschet.
Filmé par une caméra fixe, un piranha nage entre le mot « liberté » et mes images qui défilent au fond de l’aquarium, bribes de mémoire de notre humanité où la liberté est tantôt menacée, tantôt rebelle face à l’aliénation et à l’oppression. Ces images sont pour la plupart issues de détournements picturaux d’icônes de notre quotidien. Dans l’aquarium, au premier plan, flottent les lettres du mot « liberté », constituées de chair, que le poisson va dévorer.
En dehors de la nature des images, j’ai voulu, par la spatialisation et le rythme même de ces images, jouer sur la réception kinesthésique de l’image par le spectateur. Ce dernier est en effet dans le même espace que le poisson liberticide, il est dans l’aquarium avec lui, dans un espace clos, presque carcéral. Mais face à la folie dynamique du prédateur, lui, reste immobile, spectateur. Va-t-il expérimenter sa passivité, voire sa complicité dans le goût même qu’il tire du spectacle? Le rythme des images, leur débit rapide comme celui d’un fleuve me permet aussi de créer comme un vertige chez le spectateur, alors plus receptif aux jeux de tensions glissés dans l’enchaînement des images, et de l’interroger à un niveau encore perceptif et inconscient sur ses réactions d’empathie ou de colère face à mes images, dans l’espace et la temporalité tels que nous les avons mis en scène.
Pietrantonio.