Lorsque je compose, je suis confronté à des choix qui affectent la succession immédiate des événements ou le décours de la forme : une fois un chemin choisi, on ne peut revenir en arrière. En ce sens, la composition ressemble à un système arborescent : un motif, une « Gestalt » peuvent se développer de différentes façons. Certains éléments d'une œuvre peuvent servir de germe à une autre œuvre. C'est ainsi que des liens profonds existent entre les pièces enregistrées ici : Trei II, Trace-Ecart, Modifications (...) Cette idée des notes répétées impliquait d'autres formulations, que je décidai de mettre à jour avec Modifications. J'ai établi dans cette œuvre une sorte de cycle de développement à partir de deux éléments contraires ayant comme axe principal des notes répétées : ainsi l'auditeur peut-il suivre les transformations allant de la note tenue à des groupes d'appoggiatures, en passant par le trille et différentes sortes de figurations rapides. Ces éléments sont, au départ de la pièce, superposés. Ils ont également une fonction de « signal », et articulent les différentes parties de l'œuvre du point de vue formel. Plus qu'un jeu d'écriture, un tel travail est lié aux phénomène psychoacoustiques et à la recherche d'un langage il vise à une formulation que l'auditeur peut saisir, à une adéquation satisfaisante entre langage et perception basée sur l'utilisation d'éléments repérables tels que motifs, hauteurs gelées, gestes musicaux. De même que je n'ai pas l'intention de faire table rase du passé, je ne désire pas construire chaque pièce à partir d'un point zéro. Ce qui importe au contraire, c'est de travailler avec des éléments que je maîtrise de mieux en mieux, d'atteindre à une certaine fluidité, et d'établir une continuité significative entre les œuvres. Fasciné par des artistes qui, comme Giacometti ou Varèse, travaillent sans cesse la même idée, je conçois mon propre développement comme une sorte d'auto-analyse.
Michael Jarrell, livret du cd Accord.