Commande de Radio-France, Luraï (1992) est dédiée à Denise Mégevand, qui a tant œuvré pour faire de la harpe celtique un instrument contemporain plein de ressources, et qui a suscité la pièce. Luraï comporte une cadence composée par Denise Mègevand sur des éléments de la pièce, et où elle fait entendre librement les modes de jeu qu'elle a développés sur l'instrument.
Le terme grec Luraï signifie « Lyres » : le titre fait allusion à la très ancienne famille d'instruments dont est issue la harpe celtique, proche de la lyre grecque par son accord fixe (la harpe celtique ne possède pas de pédales permettant de modifier le mode en cours de jeu). La pièce est un voyage à travers différentes régions harmoniques : elle utilise un mode non octaviant, dans lequel les intervalles et les harmonies varient suivant la tessiture. On y entend souvent des motifs au sein d'un tétracorde. L'ordinateur intervient pour décliner et multiplier les motifs énoncés par la harpe, et aussi pour faire entendre des filtres accordés suivant le mode, qui résonnent à la façon d'une harpe éolienne. Les transformations numériques du son permettent de sortir occasionnellement du mode, voire du tempérament égal.
Le titre évoque aussi le souvenir du chant insatiable d'un menure-lyre dans la forêt australienne : la prolifération mélodique obtenue par le traitement numérique n'atteint pas, il s'en faut, à la prodigieuse invention de cet oiseau chanteur.
La bande magnétique a été réalisée au Laboratoire de Mécanique et d'Acoustique de Marseille, principalement sur le processeur audionumérique SYTER. L'auteur remercie Pierre Dutilleux qui a mis en œuvre les filtres résonnants qu'on entend, par exemple, à l'entrée du son numérique.
Jean-Claude Risset.