Composée à Cologne en 1973-1974, Lettura de Dante est basée sur une mélodie comportant six cellules de une, deux ou trois notes, lesquelles sont constamment répétées et légèrement modifiées au soprano. Cette mélodie, ainsi que toutes ses transpositions et miroirs ont été ensuite réunies à l'intérieur d'un long contrepoint à douze voix dont les parties sont articulées, rythmiquement, en augmentation et en diminution. De ce contrepoint naît une « klangfarbenmelodie » (mélodie de timbre) qui, exprimée par six instruments, devient le contrechant de la mélodie originelle.
Divisée en six sections principales, Lettura de Dante en comprend également une septième où la mélodie originelle est traitée en contre-point à quatre voix. Chacune de ces sections contient un solo et un groupe allant d'un à six instruments. En outre, au cours de leur déroulement respectifs intervient une cellule de la « mélodie » au tempo la ronde à 15, tempo de base de l'ensemble de la pièce.
Dédiée à Peter Eötvös, musicien du groupe de Stockhausen que j'ai connu lors de mon séjour à Cologne, cette musique tend vers une sensibilité nouvelle, sensibilité que j'ai toujours perçue chez les délaissés (à Montréal, les « robineaux ») depuis ma naissance. Aussi cette beauté et cette pureté que les vieux et les enfants m'inspirent, ou encore ce côtoiement de la mort que mon père et ma mère m'ont toujours imposé. Vision d'un monde inaccessible dans une vie où l'argent et le pouvoir mènent tout. Une vie pleine de solitude.
C'est surtout à ces humains solitaires que nous sommes tous que je pense quand j'écris. Je ne pense plus alors au « futur » ni au « passé » mais bien à une sorte de présent disparu, une sorte de joie impalpable mêlée à la tristesse de l'enfant qui a perdu sa mère.
Claude Vivier.