Livret de Stepan Mitousov et Igor Stravinsky, d'après un conte d'Andersen : Le Rossignol de l'Empereur de Chine ; premier acte composé à Oustiloug de l'été 1908 à l'été 1909 ; deuxième et troisième actes composés à Clarens en 1913 et Leysin en 1914 ; dédié à Mitousov ; création : 26 mai 1914, Paris, Ballets Russes, direction Pierre Monteux ; 1917 : Le chant du Rossignol, poème symphonique tiré de l'opéra.
Le Rossignol est un opéra de courte durée (45 minutes) dont l'unité de style n'est pas parfaite puisque le premier acte est antérieur à l'Oiseau de Feu et les deux derniers postérieurs au Sacre du Printemps. Les projets de composition et le choix du sujet remontent en effet à l'époque où Stravinsky était encore l'élève de Rimsky Korsakov : « A cette époque, j'avais sur le chantier deux œuvres importantes, le Scherzo fantastique et le premier acte de mon opéra Le Rossignol... ce travail était très encouragé par mon maître. Encore aujourd'hui, je me souviens avec plaisir de l'approbation que trouvaient auprès de lui les premières esquisses de ces œuvres... » (I.S.). En 1909, le premier acte est achevé, mais la composition est interrompue par la commande de Diaghilev de l'Oiseau de Feu pour les Ballets Russes. Jusqu'à 1913, les compositions successives de Petrouchka et du Sacre du Printemps, toujours pour les Ballets Russes, éloignent Stravinsky du Rossignol. En 1913, l'offre que lui fait le Théâtre Libre de Moscou d'achever son opéra Le Rossignol le replonge dans sa partition. « J'hésitais beaucoup à le faire. Seul le prologue de l'opéra (premier tableau) existait. Il avait été écrit comme on l'a vu, quatre ans auparavant. Mon langage musical s'était considérablement modifié depuis. Je redoutais que la musique des tableaux suivants, par son nouvel esprit, tranchât trop avec celle du prologue. Je fis part de mes hésitations aux directeurs du Théâtre Libre et leur proposai de se contenter du prologue, en le présentant comme une petite scène lyrique isolée. Mais ils insistèrent pour un opéra entier en trois tableaux et finirent par me persuader. Comme l'action ne commençait qu'au second acte, je me suis dit qu'il ne serait pas illogique que la musique du prologue revêtit un caractère quelque peu différent de celui des autres tableaux. Et, en effet, la forêt avec son rossignol, l'âme candide d'un enfant qui s'éprend de son chant, toute cette douce poésie d'Andersen ne pouvait être rendue de la même façon que la somptuosité baroque de cette cour chinoise avec son étiquette bizarre, avec cette fête de palais, ces milliers de clochettes et de lanternes, ce monstre bourdonnant de rossignol japonais, bref toute cette fantaisie exotique, qui, naturellement, exigeait un autre discours musical » (I.S.). Ceci explique les différences de style que l'on relève dans une œuvre considérée comme bâtarde. Le Théâtre Libre de Moscou ayant fait faillite, le spectacle fut repris par Diaghilev et créé à Paris en 1914. L'œuvre fut ensuite longtemps et injustement ignorée, en partie du fait de sa durée intermédiaire qui empêche de la programmer seule.
De nombreuses années plus tard, Stravinsky ne reniait pas son œuvre mais la jugeait au contraire avec un recul plein d'objectivité et de justesse : « Je trouve maintenant que le premier acte, en dépit de ses debussysmes évidents, de ses vocalises à la Lakmé et de mélodies à la Tchaïkovsky trop suaves et trop gentilles même pour l'époque, est au moins de l'opéra, alors que les suivants sont une sorte de ballet à grand spectacle. Je ne puis attribuer le style musical de ceux-ci les secondes augmentées, les intervalles parallèles, les airs pentatoniques, les trucs orchestraux (trémolos, cuivres assourdis, etc.) qu'à la grande difficulté que j'éprouvais à retourner à l'opéra après cinq années, et surtout après le Sacre du Printemps. »
La forme musicale revêtue par Le Rossignol est en réaction contre les formes wagnériennes, et plus proche de la symétrie de l'ancien opéra. En résumé, l'action est la suivante :
Premier Acte. Chant du pêcheur qui, ce jour-là, n'a pas entendu le rossignol ; des personnages de la Cour sont à la recherche du rossignol qu'ils destinent à l'Empereur de Chine. Ils le trouvent et le convainquent d'accepter de les suivre à la Cour.
Deuxième Acte. On présente le rossignol à l'Empereur qui en admire le chant et qui l'adopte. L'arrivée du rossignol mécanique, cadeau de l'Empereur du Japon, fascine l'Empereur de Chine ; pendant ce temps, le vrai rossignol s'enfuit.
Troisième Acte. L'Empereur agonise et la mort est à son chevet ; son rossignol mécanique, brisé, ne chante plus. Le vrai rossignol revient et persuade la mort de renoncer à sa proie. L'empereur guérit. A la fin de l'acte, le pêcheur loue l'oiseau, comme il l'avait loué au début du premier acte et comme il l'avait remercié de revenir à lui à la fin du second acte.