Gestes est une suite de pièces brèves pour trio à cordes dont chacune est réductible à un « geste originel ». Par ce terme, j'entends toute manières spécifiques, si minime soient-elles, de production du son. Un mouvement d'archet particulier, un certain type de phrasé, une articulation caractéristique, tout élément de base succeptible d'engendrer une expression musicale constitue pour moi un geste originel. Il s'agit, en quelque sorte, d'une suite de méditations sur certains mécanismes premiers (comme s'il s'agissait de retrouver la particule originelle dont est constituée une expression particulière) qui suffisent à produire une idée musicale.
Dans cet ordre d'idée, le choix des instruments à cordes me semble idéal dans le sens ou la production sonore est le produit de la relation complexe de plusieurs actions simultanées. On en a la confirmation lorsqu'on tente, par les moyens de la synthèse, à modéliser un violon. Le poids, la vitesse et la position de l'archet confrontée à la pression et aux variations de vitesse de déplacement des doigts sont, parmi bien d'autres, autant de facteurs qui ont une importance décisive sur la pertinence de l'expression musicale.
Etant un compositeur qui, par goût, est plutôt attiré par les grandes formes et les grands effectifs, j'ai trouvé intéressant de me pencher sur la brièveté et la concentration d'expression, phénomène inauguré naguère par Anton Webern et qui, dans un contexte esthétique différent, ne me semble pas avoir dit tout ce qu'il avait à dire.
Gestes est un commande du Théâtre du Châtelet. Dédié au Trio Sérénade, cette œuvre doit son origine au violoniste de cette formation, Jean Leber.
Philippe Manoury.