...non seulement le son transformé comme phénomène uniquement perceptible (ou le résultat obtenu fixé sur bande), mais aussi le « son naturellement vivant » du chœur et de la flûte basse et en même temps (non pas en une suite temporelle ou visuelle) sa modification, sa naissance, que ce soit sous sa forme de spectre compositionnel ou de dynamique spatiale : extraordinaire variété et multiplicité du son, au même instant, combien différentes des pensées et des sensations de la créativité.
Si nous écoutons bien Musil (l'Homme sans qualités)... « S'il y a un sens du réel,... il doit y avoir aussi un sens du possible. C'est la réalité qui éveille les possibilités... Néanmoins, dans l'ensemble et en moyenne, ce seront toujours les mêmes possibilités qui se répéteront, jusqu'à ce que vienne un homme pour qui une chose réelle n'a pas plus d'importance qu'une chose pensée. C'est celui-là qui, pour la première fois, donne aux possibilités nouvelles leur sens et leur destination, c'est celui-là qui les éveille. »
Pour moi, cet « homme » représente l'extraordinaire aboutissement qu'ont permis l'indispensable et puissant studio expérimental de Fribourg, au cœur des fascinantes vibrations de la Forêt Noire, les innovations surprenantes de Fabbriciani (lui aussi « plongé », dans le studio de Fribourg comme moi j'étais « plongé » dans sa maestria), l'ardeur nostalgique des pures voix du chœur (fragments de chants orphiques et de Rilke) entre passé et avenir. Tous les moments d'études passés avec le piano de Pollini, les percussions de la Scala et du Comunale, le quatuor La Salle sont pour moi un besoin naturel et une nécessité pour Das Atmende Klarsein et se sont déclenchés en moi afin d'imaginer le « réel possible » d'un Prométhée de Caciarri.
Luigi Nono, Ars Musica 92.