mise à jour le 28 juin 2022
© Lars Skaaning

Per Nørgård

Compositeur danois né le 13 juillet 1932 à Gentofte, près de Copenhague.

Le vaste catalogue du compositeur danois Per Nørgård comprend plus de quatre cents œuvres étalées sur soixante ans et touche à tous les genres : six opéras, plusieurs ballets, huit symphonies, des musiques pour orchestre, plusieurs concertos, des œuvres chorales et vocales, de la musique de chambre (dont dix quatuors à cordes) et des pièces pour instrument soliste. Malgré une production difficile d’accès, il est néanmoins connu du grand public comme compositeur de la musique du film Le festin de Babette (Gabriel Axel, 1988, Oscar du meilleur film en langue étrangère) — et est aussi l’auteur d’un arrangement « retravaillé » de la chanson Blackbird des Beatles.

Per Nørgård se forme de 1949 à 1951 auprès de Vagn Holmboe (lui-même disciple de Carl Nielsen), qu’il retrouve ensuite en tant que professeur à l’Académie Royale du Danemark où il étudie pendant cinq ans. L’année suivante, en 1956-1957, il étudie en France avec Nadia Boulanger. Rapidement, Per Nørgård se met à enseigner lui-même la musique : à Odense, où il enseigne le piano, la composition et la théorie jusqu’en 1961, puis sur le lieu de ses propres études, à l’Académie royale de 1960 à 1965. Il intègre ensuite le Conservatoire d’Aarhus où il devient professeur en 1987.

Après plusieurs expérimentations autour des collages musicaux à la fin des années 1950, Per Nørgård s’intéresse, dans les débuts de la nouvelle décennie, à la musique sérielle et développe une technique qui lui est propre, dite de la « série infinie », une extrapolation de la conception de « métamorphose » de son maître Holmboe, centrée sur un embryon musical pris dans une constante transformation organique (Constellations, 1958). Fondée sur un processus d’auto-engendrement perpétuel de la série, réintroduisant les mêmes structures musicales à différents niveaux où elles se renouvellent, cette technique domine les partitions de cette décennie, notamment Voyage into the Golden Screen (1968) et la Symphonie n° 2 (1970) dont l’entièreté de la structure est déterminée par les séries infinies. Dans les années 1970, Per Nørgård développe des concepts semblables d’infini dans le domaine du rythme et de l’harmonie : la Symphonie n°3 (1972-1975) devient alors l’exemple majeur de cette « musique hiérarchique ».

En 1979, à l’occasion d’une exposition au musée d’art moderne Louisiana au Danemark, le compositeur découvre les travaux du peintre suisse et figure de l’art brut Adolf Wölfli. L’interprétation des cryptogrammes de l’artiste schizophrène tire la pratique compositionnelle de Nørgård vers l’expressionisme. Se font alors jour des jeux d’intensité, des changements brutaux de climats et des modifications sonores violentes et, au-delà, un débordement du déroulement musical. Ce surgissement du conflit et de l’irrationalité dans son travail vient directement en réponse à la décennie écoulée, penchée sur des compositions au fonctionnement mathématique régulier. Un grand nombre de ses œuvres les plus importantes datent de cette époque : Wie ein Kind (Like a Child) en 1980, la Symphonie n°4 (1981), I Ching (1982) et l’opéra sur la vie de Wölfli The Divine Circus (1982) en sont les exemples majeurs.

Les années 1980 voient l’exploration de la dimension temporelle de la composition : avec Remembering Child (1986) et le concerto pour violon et orchestre Helle Nacht (1988), Per Nørgård sonde la stratification du temps dans une sorte de balayage du tempo des mélodies où l’accentuation, le mètre et le rythme révèlent constamment de nouvelles mélodies dans les mélodies, que le compositeur assimile à un « prisme tournant », qui ne va pas sans évoquer les fractales.

Sans connaître de ruptures brutales dans ses évolutions esthétiques, l’œuvre de Per Nørgård, imprégnée de spiritualité, est en renouvellement permanent. Les thématiques du chaos et de l’ordre universel y créent un tuilage stylistique singulier, bien illustré par la conception du compositeur : « l’existence est fondée sur ma conception du non-équilibre comme socle de vie à tous les niveaux ».

Prix et récompenses

  • Prix Ernst von Siemens « Une vie au service de la musique », 2016 ;
  • Prix de composition Wilhelm Hansen, 2000 ;
  • Prix Lili Boulanger, 1957.

© Ircam-Centre Pompidou, 2022

Sources

SMCQ, Resmusica, Accents (magazine de l’Ensemble Intercontemporain), Wise Music Classical

Liens Internet

(liens vérifiés en juin 2022).

Bibliographie sélective

  • Martin ANDERSON, « Composer in Interview: Per Nørgård Recent and Early », Tempo, 2009, p. 9–15.
  • Martin ANDERSON, « The Many Patterns of Per Nørgård », Tempo, 2009, p. 3–7.
  • Yu Hin (Gary) AUA, Christopher DREXLER-LEMIREB, Jeffrey SHALLIT, « Notes and note pairs in Nørgård’s infinity series », Journal of Mathematics and Music, Vol. 11, No. 1, 2017, p. 1–19.
  • Anders BEYER (éd.), The Music of Per Norgard: Fourteen Interpretative Essays, Aldershot, Scolar Press, 1996.
  • Paul David FLOOD, « Embracing the Outsider: Framing Conflict in Per Nørgård’s Wölfli Works », thèse de master, UC Irvine, 2021.
  • Svend HVIDTFELT NIELSEN, Virkeligheden fortæller mig altid flere historier : om Per Nørgårds verdenssyn og musik, Odense, Fynske musikkonservatorium, Carl Nielsen Academy of Music, 1995.

Discographie sélective

  • Per NØRGÅRD, Spell ; Suite - From ‘Babette’s Feast’ ; Trio breve ; Whirl’s World, dans « Whirl’s World », 1 CD Dacapo, 2019, 8.226136.
  • Per NØRGÅRD, Sonata Determinata For Piano ; Miniature Concerto G Major ; Sonata Capricciosa For Piano ; Trifoglio, Op. 7 ; Sonata In One Movement ; Toccata For Piano, dans « Early Piano Works », 1 SACD Dacapo, 2017, 6.220590.
  • Per NØRGÅRD, Unendlicher Empfang ; It’s All His Fancies That ; Spell, dans « It’s All His Fancies That », 1 CD CDKlassik, 2010, CDK1016.
  • Per NØRGÅRD, « A Light Hour », 1 CD Dacapo, 2010, 8.226100.
  • Per NØRGÅRD, « Der Göttliche Tivoli », 2 SACD Dacapo, 2009, 6.220572-73.
  • Per NØRGÅRD, Nova genitura ; Seadrift I ; Seadrift II ; Fons laetitiae, dans « Seadrift », 1 CD Dacapo, 2008, 8.226067.
  • Per NØRGÅRD, Libra ; Morgenstund ; In memory of… ; Rondino Amorino ; Papalagi ; Tales From A Hand: Suite I ; Tales From A Hand: Suite II ; Tales From A Hand: Suite III ; Tales From A Hand: Suite IV, dans « Tales From The North », 2 CD Caprice Records, 2008, CAP 22064.
  • Per NØRGÅRD, « String Quartets 7, 8, 9 & 10 », 1 CD Dacapo, 2008, 8.226059.
  • Per NØRGÅRD, « Works For Brass », 1 CD Classico, 2007, ClassCd730.
  • Per NØRGÅRD, Suite I: In The Mood Of Spades ; Suite II: The Queen Of Hearts ; Suite III: Clubs Among Jokers ; Suite IV: Jack Of Diamonds (2001) ; The Queen Of Hearts, dans « Tales From A Hand: Four Suites For Guitar », 1 CD Classico, 2007, ClassCd745.
  • Per NØRGÅRD, « Nuit Des Hommes », 1 CD Dacapo, 2004, 8.226011.
  • Per NØRGÅRD, « String Quartets 1 - 6 », 1 CD Kontrapunkt, 2000, 32015.
  • Per NØRGÅRD, Singe Die Gärten, Mein Herz ; Maya Danser ; Winter Hymn ; Three Agnus Dei Motets ; Four Latin Motets ; I Hear The Rain ; Zwei Wölfli-Lieder, dans « Works For Choir », 1 CD Dacapo, 1999, 8.224115.
  • Per NØRGÅRD, « Symphony No. 4 / Symphony No. 5 », 1 CD Chandos, 1997, CHAN 9533.
  • Per NØRGÅRD, « Symphony No. 3 / Concerto In Due Tempi », 1 CD Chandos, 1996, CHAN 9491.
  • Per NØRGÅRD, « Rilke Ensemble Sings Per Nørgård », 1 CD Swedish Society Discofil, 1996, SCD 1090.
  • Per NØRGÅRD, Solo Sonata No 2 ; “Variations In Search Of A Theme” ; Solo Sonata No 1 ; Champuán ; Late Summer Elegy, dans « Works For Cello », 1 CD Dacapo, 1995, 8.224007.
  • Per NØRGÅRD, « Trio Op.15 - Spell - Letters Of Grass - Lin », 1 CD Kontrapunkt, 1995, 32211.
  • Per NØRGÅRD, « Siddharta • For A Change », 2 CD Dacapo, 1995.
  • Per NØRGÅRD, Sonata No. 2 ; Grooving ; Turn ; Achilles and the Tortoise, dans « Works For Solo Piano », 1 CD Kontrapunkt, 1993, 32147.
  • Per NØRGÅRD, Night-Symphonies, Day breaks ; Prelude to Breaking ; King, Queen, And Ace ; Surf, dans « Works for Sinfonietta », 1 CD Kontrapunkt, 1992, 32140.
  • Per NØRGÅRD, « Gilgamesh - Voyage Into The Golden Screen », 2 CD Dacapo, 1990, DCCD 9001.
  • Per NØRGÅRD, « Symphony No. 3, “Twilight” For Orchestra », 1 CD Dacapo, 1989, DCCD 8901.
  • Per NØRGÅRD, « Babette’s Feast », 1 CD Milan, 1988, CD CH 333.
  • Per NØRGÅRD, Returns ; In memory of… ; Papalagi ; Libra ; Suite I, dans « Works For Guitar », 1 vinyle Paula, 1986, Paula 41.
  • Per NØRGÅRD, « Symphony No. 2 & Symphony No. 4 », 1 vinyle Point, 1986, PLP 5070.
  • Per NØRGÅRD, « Märchen Farben », 1 vinyle Sonet, 1982, SLP 1637.
  • Per NØRGÅRD, Wie ein Kind ; Korsalme ; Drømmesange ; Aftonland, dans « Korværker », 1 vinyle Paula, 1982, PAULA 17.
  • Per NØRGÅRD, « Trio Op. 15 - Spell - Solo Intimo », 1 vinyle Paula, 1981, PAULA 11.
  • Per NØRGÅRD, Nova Genitura ; Seadrift, dans « Sacred and profane love », 1 vinyle Sub rosa, 1978, 1001.