Le vaste catalogue du compositeur danois Per Nørgård comprend plus de quatre cents œuvres étalées sur soixante ans et touche à tous les genres : six opéras, plusieurs ballets, huit symphonies, des musiques pour orchestre, plusieurs concertos, des œuvres chorales et vocales, de la musique de chambre (dont dix quatuors à cordes) et des pièces pour instrument soliste. Malgré une production difficile d’accès, il est néanmoins connu du grand public comme compositeur de la musique du film Le festin de Babette (Gabriel Axel, 1988, Oscar du meilleur film en langue étrangère) — et est aussi l’auteur d’un arrangement « retravaillé » de la chanson Blackbird des Beatles.

Per Nørgård se forme de 1949 à 1951 auprès de Vagn Holmboe (lui-même disciple de Carl Nielsen), qu’il retrouve ensuite en tant que professeur à l’Académie Royale du Danemark où il étudie pendant cinq ans. L’année suivante, en 1956-1957, il étudie en France avec Nadia Boulanger. Rapidement, Per Nørgård se met à enseigner lui-même la musique : à Odense, où il enseigne le piano, la composition et la théorie jusqu’en 1961, puis sur le lieu de ses propres études, à l’Académie royale de 1960 à 1965. Il intègre ensuite le Conservatoire d’Aarhus où il devient professeur en 1987.

Après plusieurs expérimentations autour des collages musicaux à la fin des années 1950, Per Nørgård s’intéresse, dans les débuts de la nouvelle décennie, à la musique sérielle et développe une technique qui lui est propre, dite de la « série infinie », une extrapolation de la conception de « métamorphose » de son maître Holmboe, centrée sur un embryon musical pris dans une constante transformation organique (Constellations, 1958). Fondée sur un processus d’auto-engendrement perpétuel de la série, réintroduisant les mêmes structures musicales à différents niveaux où elles se renouvellent, cette technique domine les partitions de cette décennie, notamment Voyage into the Golden Screen (1968) et la Symphonie n° 2 (1970) dont l’entièreté de la structure est déterminée par les séries infinies. Dans les années 1970, Per Nørgård développe des concepts semblables d’infini dans le domaine du rythme et de l’harmonie : la Symphonie n°3 (1972-1975) devient alors l’exemple majeur de cette « musique hiérarchique ».

En 1979, à l’occasion d’une exposition au musée d’art moderne Louisiana au Danemark, le compositeur découvre les travaux du peintre suisse et figure de l’art brut Adolf Wölfli. L’interprétation des cryptogrammes de l’artiste schizophrène tire la pratique compositionnelle de Nørgård vers l’expressionisme. Se font alors jour des jeux d’intensité, des changements brutaux de climats et des modifications sonores violentes et, au-delà, un débordement du déroulement musical. Ce surgissement du conflit et de l’irrationalité dans son travail vient directement en réponse à la décennie écoulée, penchée sur des compositions au fonctionnement mathématique régulier. Un grand nombre de ses œuvres les plus importantes datent de cette époque : Wie ein Kind (Like a Child) en 1980, la Symphonie n°4 (1981), I Ching (1982) et l’opéra sur la vie de Wölfli The Divine Circus (1982) en sont les exemples majeurs.

Les années 1980 voient l’exploration de la dimension temporelle de la composition : avec Remembering Child (1986) et le concerto pour violon et orchestre Helle Nacht (1988), Per Nørgård sonde la stratification du temps dans une sorte de balayage du tempo des mélodies où l’accentuation, le mètre et le rythme révèlent constamment de nouvelles mélodies dans les mélodies, que le compositeur assimile à un « prisme tournant », qui ne va pas sans évoquer les fractales.

Sans connaître de ruptures brutales dans ses évolutions esthétiques, l’œuvre de Per Nørgård, imprégnée de spiritualité, est en renouvellement permanent. Les thématiques du chaos et de l’ordre universel y créent un tuilage stylistique singulier, bien illustré par la conception du compositeur : « l’existence est fondée sur ma conception du non-équilibre comme socle de vie à tous les niveaux ».

Prix et récompenses

  • Prix Ernst von Siemens « Une vie au service de la musique », 2016 ;
  • Prix de composition Wilhelm Hansen, 2000 ;
  • Prix Lili Boulanger, 1957.
© Ircam-Centre Pompidou, 2022

sources

SMCQ, Resmusica, Accents (magazine de l’Ensemble Intercontemporain), Wise Music Classical



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